Henry Lacoste est une figure marquante de l’architecture belge, paradoxalement mal connue. Professeur à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles de 1926 à 1955, il forma, pendant ces trente années, plusieurs centaines d’architectes, parmi lesquels Jean Polak (auteur avec son frère André du célèbre Atomium de Bruxelles), Claude Strebelle ou encore Robert Schuiten. À l’aide de dessins, aquarelles et photographies, l’exposition que lui consacrent les Archives de l’architecture moderne – soutenue par une élégante scénographie – nous propose de parcourir un panorama de son travail, pour le moins prolifique. Elle révèle avant tout l’indépendance de caractère de l’architecte. Hostile à l’avant-garde architecturale et à son dogmatisme, Lacoste choisit d’en prendre le contre-pied et d’assumer l’éclectisme de ses goûts, nourris d’une extraordinaire culture reçue sur les bancs des Beaux-Arts de Bruxelles puis ceux de Paris. Diplômé en 1914, le jeune architecte rentre en Belgique et débute sa carrière après la guerre, en dirigeant la reconstruction du village frontière de Bléharies (1916-1926). Fort de cette expérience, Lacoste peut aborder des programmes d’une grande diversité : architecture funéraire, hospitalière, pavillons d’expositions, construction individuelle. En 1926, il conçoit sa propre maison à Auderghem comme un manifeste de son opposition au mouvement moderne, dissimulant un intérieur résumant trois mille ans d’histoire de l’art derrière une façade rationaliste. Passionné d’archéologie, il participera aux fouilles belges à Apamée, en Syrie, de 1930 à 1953, moulant, à des fins didactiques, un fragment de la colonnade monumentale de l’ancienne cité romaine pour les musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles. Mais c’est dans le domaine de l’architecture religieuse que l’architecte, animé d’une foi profonde, déploiera tout son talent, jusque dans les moindres détails décoratifs, parfois même avec un goût certain de la provocation.
En 1935, son pavillon de la vie catholique à l’exposition de Bruxelles prend la forme d’une mosquée hérissée de minarets. Philosophiquement proche de l’éclectisme, Lacoste ne se restreindra pas dans l’inspiration du passé. La « cathédrale minière » de Beringen (1938-1948) – dont on verra la maquette monumentale due à l’artiste Hans Op de Beeck – combine ainsi la massivité des modèles de l’architecture primitive et les emboîtements de volumes triangulaires, proches de certaines recherches picturales futuristes. L’imaginaire colonial africain sera sa dernière source d’inspiration. Les magnifiques études en couleurs du trophée du pavillon du Congo belge de l’exposition de Liège (1939) sont l’une de ses plus belles réussites graphiques.
« Henry Lacoste, un imaginaire Art déco », BRUXELLES, Fondation pour l’architecture, musée d’Architecture – la Loge, 55 et 86 rue de l’Ermitage, tél. 00 32 2 642 24 80, www.aam.beest jusqu’au 21 mars. À lire : E. Hennaut, L. Liesens, Henry Lacoste, architecte (1885-1968), AAM Bruxelles, 320 p., 75 euros. Un imaginaire Art déco : Henry Lacoste, architecte, AAM Bruxelles, 64 p., 12 euros.
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Lacoste, pourfendeur de l’avant-garde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : Lacoste, pourfendeur de l’avant-garde