Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale se développent à New York plusieurs courants abstraits, essentiellement picturaux, qui vont être au cœur de débats esthétiques, sociaux et idéologiques, non seulement aux États-Unis mais également en Europe, jusqu’au moment où le Pop Art surgit au début des années 60 et apporte d’autres questionnements.
Si le plus connu de ces mouvements abstraits est dénommé « expressionnisme abstrait », il y eut aussi l’« Action painting », le « Hard-edge », la « Stained painting », la « Color-field painting », termes qui recouvrent des processus singuliers dans la réalisation des œuvres. De sorte que, malgré les variantes entre ces tendances, l’on peut grossièrement répartir un grand nombre d’œuvres entre celles qui peuvent être dites « peintures gestuelles » et celles qui peuvent être dites « géométriques », même si la « Stained painting » par exemple – œuvres obtenues par imprégnation de la toile – n’est le plus souvent ni véritablement gestuelle ni véritablement géométrique. L’un des grands critiques de l’époque, Clement Greenberg, fait encore une autre lecture lorsqu’il établit une distinction entre la « peinture linéaire » et la « peinture picturale » (painterly). Ces appellations, ou catégories, n’ont pas été forgées par simple commodité verbale ou facilité de classement, mais essentiellement parce que le matériau des peintures, leur échelle, leur texture, leur gestualité ou leur géométrisme, relèvent de projets esthétiques bien précis et très différents. Certes, les œuvres de De Kooning, Rothko, Newman, Twombly, Louis, Noland ou Kelly sont « abstraites » (gestuelles et/ou géométriques) mais, là encore, on pourrait définir, selon les cas, le maintien d’un certain naturalisme (Kelly), un jeu continuel entre figuration et non-figuration (De Kooning), un appel au sublime et à la transcendance (Newman), une référence au texte littéraire, dont des bribes sont parfois inscrites sur la toile (Twombly), ou encore la volonté d’imposer le matérialisme et la perception immédiate de l’œuvre (Stella). De ce fait, si la plupart des peintres abstraits américains s’interrogent sur la « crise du sujet », sur le « quoi peindre » et « comment peindre » – questions qui peuvent être soit complémentaires soit exclusives l’une de l’autre –, les valeurs socio-morales attribuées aux œuvres ne sont pas toujours réunies sous forme de questions « existentielles », tel qu’on l’entendait alors, c’est-à-dire dans l’acception de Sartre (traduit dès les années 50). Pour prendre deux artistes de la même génération, cette question de l’existence est traitée très différemment par un De Kooning, adepte des idées sartriennes qui circulaient alors, et un Newman, partisan d’une théologie qui échappe fondamentalement à l’homme. Le choix d’une quarantaine d’œuvres importantes, ainsi que le catalogue, permettront de comprendre les innombrables différences et, parfois, antagonismes à l’intérieur de ces abstractions américaines.
MONTPELLIER, Pavillon du Musée Fabre, 3 juillet-3 octobre.
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L’abstraction made in USA
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°508 du 1 juillet 1999, avec le titre suivant : L’abstraction made in USA