BÉTHUNE (PAS-DE-CALAIS). « Centre de production et de diffusion en arts visuels », Labanque est installé dans le vaste bâtiment de l’ancien siège de la Banque de France à Béthune, où il a rouvert en avril 2016 après trois ans de travaux.
Quelques mois plus tard était inauguré le premier volet d’une trilogie d’expositions imaginée par la critique d’art et commissaire Léa Bismuth autour de l’œuvre de l’écrivain Georges Bataille. Intitulé « La traversée des inquiétudes », ce cycle au long cours propose aux artiste de s’inspirer de l’un des ouvrages de l’auteur pour en prolonger la parole sombre et intense sous forme plastique. « Dépenses » présentait une vingtaine d’artistes (parmi lesquels Lionel Sabatté et Antoine d’Agata) puisant dans La Part maudite de Bataille, tandis qu’étaient convoquées des figures plus historiques comme Michel Journiac ou Pierre Klossowski, pour une exposition très incarnée.
Ce nouvel épisode intitulé « Intériorités » prend pour point de départ L’Expérience intérieure, ouvrage écrit en pleine guerre, en 1943. Georges Bataille y décrit la nuit, comme celle en laquelle « tout s’efface », « profondeur vide » qu’il traverse et qui le traverse. Un voyage donc, au bout de la nuit, où l’auteur avoue ne trouver rien, « pas même à la fin l’obscurité ». Rassembler des œuvres (dont treize produites spécialement) autour d’un thème lui-même nébuleux est une gageure, que Léa Bismuth préfère envisager comme « un voyage dans l’inconnu » et qu’elle a cru bon d’accompagner d’un livret détaillé, mais qui masque mal un propos assez confus.
De vide, il est très peu question dans l’exposition, qui occupe quatre étages du bâtiment, des sous-sols aux anciens appartements du directeur de la banque. La plupart des œuvres présentées s’imposent en effet par leur forte matérialité, en particulier au rez-de-chaussée, où le visiteur est accueilli dans la pénombre par des effets très dramatiques d’éclairage. Le sarcophage de charbon de l’artiste japonais Atsunobu Kohira, duquel un performeur s’est extrait, donne le ton : la pesanteur du corps est ici littérale. Dans cette ambiance caverneuse, le film Sans titre (2017) de Clément Cogitore reprend la fascination de Bataille pour la grotte de Lascaux, dont l’artiste refilme un plan-séquence réalisé dans les années 1980, auquel il ajoute une envolée de papillons. Lui répond plus loin le court-métrage Les Mains négatives (1979) de Marguerite Duras, dans une digression sur le thème du tâtonnement nocturne.
À l’étage, dans les espaces domestiques, l’intime se traduit par un érotisme cafardeux, avec des œuvres historiques de Bellmer, Molinier ou Bataille lui-même, qui auraient pour héritiers Claire Tabouret, dont la série de collages et monotypes reprend des scènes sadomasochistes découpées dans des magazines, ou Markus Schinwald et ses portraits défigurés. Le travelling intimiste de La Chambre (1972) de Chantal Akerman se fait le pendant objectif de cette intense subjectivité, qui s’achève sur une éruption de l’Etna filmée par l’artiste portugais Marco Godinho, comme issue finale à la nuit.
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Labanque plonge dans les abysses de la conscience
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°487 du 20 octobre 2017, avec le titre suivant : Labanque plonge dans les abysses de la conscience