Saisissant l’occasion du 1 700e anniversaire de l’adoption du christianisme en Arménie, le Pavillon des arts retrace l’histoire de l’édification puis de la lente agonie d’Ani, capitale du royaume d’Arménie en l’an mil, quasiment désertée à la fin du XIVe siècle. L’exposition présente les pièces majeures, recueillies par une équipe d’archéologues russo-arménienne de 1892 à 1917 et actuellement conservées au Musée d’histoire de l’Arménie, à Erevan.
PARIS - “La fascination exercée sur l’homme par certains vestiges de civilisations disparues est parfois accentuée par le contraste existant entre le haut degré de développement révélé par les ruines et son environnement contemporain, misérable et sinistre. Tel est le cas d’Ani, la capitale médiévale de l’Arménie”, déplore Raymond H. Kévorkian, directeur de recherche à l’université Paris-III et commissaire scientifique de l’exposition. Des propos confirmés par les photographies contemporaines de François Paolini (situées à la fin du parcours), dévoilant un site archéologique désert, où subsistent seulement quelques murailles et édifices religieux. Pourtant, Ani, fondée à quelques kilomètres de la vallée d’Araxe – axe de circulation majeur entre l’Asie Mineure et le plateau iranien –, fut la capitale du royaume d’Arménie en l’an mil, fortifiée à plusieurs reprises par la dynastie des souverains Bagratides. Objets en faïence de formes sobres et souvent monochromes (blanc laiteux, bleu clair ou turquoise), vases à décor appliqué, poteries, terre cuite rouge lissée... Le fonds de céramiques se distingue par le nombre important des pièces conservées. Les motifs y dévoilent des influences géorgienne, arabe, persane ou byzantine. L’historien arabe Ibn Hawqâl (Xe siècle) rapportait : “Ici [en Arménie], les vases des rois sont en or et en argent ; ils ont des plats, des bols et des coupes habilement travaillés en marbre et en métaux précieux.” On ne saurait dire s’il s’agit d’exagérations ou si ces ustensiles ont été pillés : les seuls objets retrouvés – aiguière à trois pieds, bague, fermoir, croix, encensoir, petit reliquaire, des Xe-XIIIe siècles – sont en fer, en bronze ou en cuivre.
Surnommée la ville “aux mille et une églises”, Ani a joué un rôle déterminant dans l’histoire de l’Église arménienne. Emblématique de l’art chrétien, le xoran (terme arménien pour désigner les Tables des canons) domine les quelques manuscrits retrouvés sur le site.
L’Évangile du monastère de Bexenc’ (début XIIIe siècle), dans lequel les noms des artistes sont incorporés aux bandeaux d’encadrement des xoran, témoigne de l’importance du texte dans la création des images et des types iconographiques.
L’art de la miniature de l’École d’Ani
Représentée en pleine page et entourée de bougies, la grande croix stylisée de l’Évangile Rouge (copié en 909, enluminé au XIIIe siècle) révèle la vénération de la Croix chez les Arméniens. Le portrait de saint Matthieu, assis au milieu d’un décor architectural pittoresque, extrait de l’Évangile des Bègiwnc’ (1054), illustre, lui aussi, l’art de la miniature de l’école d’Ani.
L’iconographie élaborée autour des Tables des canons a suivi une longue évolution : elle commence par de simples arcades et aboutit, au XIIIe siècle, à des images richement décorées de motifs végétaux, animaliers ou humains.
- ANI, CAPITALE DE L’ARMÉNIE EN L’AN MIL, jusqu’au 13 mai, Pavillon des arts, Les Halles – Porte Rambuteau, Terrasse Lautréamont, 101 rue Rambuteau, 75001 Paris, tél. 01 42 33 82 50, tlj sauf lundi et jours fériés, de 11h30 à 18h30, catalogue 314 p., 245 F.
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La ville aux mille et une églises
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°123 du 16 mars 2001, avec le titre suivant : La ville aux mille et une églises