Entre le flux d’une gestualité jaillissante placée sous le signe de l’automatisme et le souci d’articuler l’espace, Colette Brunschwig construit des moments d’équilibre. Fugitifs, il va sans dire. Comme l’écrit Pierre Wat : « elle ne peint ni le stable, ni le solide, ni le définitif mais, tout au contraire, la précarité même. » Plus encore que dans ses toiles, lestées à la fois d’une forme qui s’y campe et de matière maçonnée, cela se vérifie dans les œuvres sur papier qui font l’objet de cette exposition. « La résonance dépasse la parole » : cette citation de Shitao, placée en exergue, en appelle à la tradition des peintres lettrés chinois qui d’un même pinceau distribuaient le sens dans l’écriture et dans l’image, avec le vide au beau milieu. Loin de toute parenté formelle, l’artiste rejoint cette conception du signe excédé par sa résonance. Avec le papier, point d’arêtes vives, mais des frontières fluctuantes délimitant un moment de déploiement horizontal, point de surface tendue, mais une étendue souple, et surtout point de ces attendus qui hantent malgré lui le tableau. Les encres, les lavis, instaurent des espaces fluides, surface et fond pris dans la même nappe, la même nasse, percée : celle d’une écriture ouverte se défaisant dans ce qui la traverse. Car il ne s’agit plus de capturer l’« à vif » de l’instant, mais de recueillir les strates d’un plus long présent.
Galerie Lambert Rouland, jusqu’au 5 juin.
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L’à vif de Colette Brunschwig
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°507 du 1 juin 1999, avec le titre suivant : L’à vif de Colette Brunschwig