La conception du Pavillon d’été du centre d’art londonien a été confiée cette année à Frida Escobedo, qui a joué sur la notion de cour intérieure.
Londres. Chaque été, depuis l’an 2000, la Serpentine Gallery, sise en plein cœur de Hyde Park, à Londres, fait appel à un architecte, en général une vedette internationale, pour ériger un pavillon provisoire à même d’accueillir la programmation culturelle estivale de l’institution. Condition originale et sine qua non : le ou la prétendant(e) ne doit encore jamais avoir construit sur le sol britannique.
Le cahier des charges est des plus élémentaire : dessiner un espace d’une surface de 300 m2 qui abrite, le jour, un lieu de détente et une cafétéria, et le soir, des performances d’artistes en tous genres. Après Oscar Niemeyer (Brésil) en 2003 et Smiljan Radic (Chili) en 2014, voici le troisième lauréat issu d’Amérique centrale et du Sud : Frida Escobedo, 39 ans, a établi son agence à Mexico en 2003. La jeune Mexicaine n’est pas une totale inconnue pour le public français, qui a pu découvrir l’une de ses œuvres, fin 2017, lors de la première Biennale d’architecture d’Orléans (lire le JdA no 490, 1er déc. 2017). Elle y revisitait, en creux, une pièce que le sculpteur français Olivier Seguin avait conçue pour les Jeux olympiques de Mexico, en 1968.
« Ce Pavillon d’été est un véritable défi, souligne Frida Escobedo. Depuis le premier exemplaire, en 2000, il y a eu beaucoup de bonnes idées. C’est un sacré exercice, car il s’agit de concentrer en un micro-espace ses idées sur l’architecture, d’y mettre également en scène l’esprit et l’ethos de son agence, le tout avec un budget restreint. » D’où ce choix de travailler sur la thématique de l’espace contraint : « Une référence s’est imposée d’elle-même : celle de la cour intérieure, dont on peut trouver de merveilleux exemples en Espagne ou au Moyen-Orient, observe l’architecte. D’ailleurs, le Pavillon lui-même se trouve dans un vaste jardin, Hyde Park, et un espace extérieur, vu son immensité, mais aussi un espace intérieur, car ce parc se trouve en plein centre-ville. Ce qui génère, en fait, une sorte de jeu de poupées russes. Résultat : le Pavillon, lui aussi, flirte avec cette double notion intérieur/extérieur. On y est à la fois dedans et dehors. »
De fait, l’édifice est double : selon l’angle de vision, il passe d’un aspect complètement transparent à une quasi-opacité. Les parois sont constituées d’un module de construction simple, une tuile, laquelle est superposée à l’envi, de manière élémentaire et habile. « Nous voulions surtout travailler avec un matériau local, en l’occurrence cette tuile de couleur gris foncé, et nous avons imaginé un motif », souligne Frida Escobedo. Le plan dessine trois espaces : deux petites cours et une troisième beaucoup plus vaste, dotée d’un bassin peu profond, dans lequel chacun peut déambuler. Sa surface est réfléchissante, tout comme celle du plafond en forme d’aile d’avion, laquelle reflète le moindre mouvement à l’intérieur du Pavillon. « L’espace est en réalité très contemplatif », estime Frida Escobedo. Les visiteurs pourront s’en rendre compte par eux-mêmes.
Serpentine Gallery, jusqu'au 7 Octobre, Kensington Gardens, Londres.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : La Serpentine à l’heure mexicaine