Mode

HAUTE COUTURE

La rétrospective Thierry Mugler fait le show à Montréal

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2019 - 808 mots

MONTREAL / CANADA

Pour la première exposition consacrée à l’œuvre totale du couturier retiré des podiums de la mode, le Musée des beaux-arts de Montréal adopte son goût pour le sensationnel et présente ses créations dans une scénographie spectaculaire.

Montréal. Longtemps, Thierry Mugler n’a pas voulu que son œuvre fasse l’objet d’une rétrospective dans un musée. Cet ex-grand couturier, qui comptait parmi les plus réputés de la scène parisienne des années 1980 et 1990, a même refusé la proposition du Metropolitan Museum of Art, pourtant une pointure en matière d’expositions de mode. Pour lui, l’exposition monographique s’apparentait à une veillée funèbre. Et le septuagénaire au physique herculéen entièrement reconstruit par la chirurgie esthétique, les implants faciaux et le culturisme, est connu pour défier ce qui pourrait lui mettre un pied dans la tombe.

Pourtant Mugler a changé d’avis, si l’on en croit la manifestation qui se tient actuellement au Musée des beaux-arts de Montréal. C’est que l’institution québécoise a fait sienne la vision du créateur de mode, comme elle l’avait déjà fait en 2011, lors de l’exposition consacrée à Jean-Paul Gaultier. Le styliste à marinière ne souhaitait pas voir ses collections présentées les unes après les autres, dans une progression temporelle qu’il jugeait trop mortifère. C’est donc un florilège des thématiques phares de son œuvre qui avait été mis en scène de manière immersive. C’est cette même approche qui a été retenue pour l’exposition Mugler, réalisée en étroite collaboration avec le créateur. En mélangeant les tenues de haute couture, de prêt-à-porter et les costumes de scène sans soucis chronologique, le parcours (qui ne brille pas par sa distance critique) déroule différentes obsessions, qui ont construit le « style Mugler » et arbore une volonté d’en mettre plein la vue, conforme à la marque de fabrique du créateur.

Un univers peuplé de créatures carrossées

Thierry Mugler, qui a fait ses premiers pas professionnels comme danseur de ballet à l’âge de 14 ans, est un homme de spectacle. Le styliste concevait ses défilés comme des shows démesurés et, depuis l’arrêt, de ses activités de haute couture au début des années 2000, il s’est consacré, en tant que metteur en scène et costumier, à la création de numéros de cirque et de revues de cabaret au budget titanesque. Durant toute sa carrière, il s’est évertué à transformer ses contemporains en créatures défiant les lois de l’humanité. De nombreuses stars de la scène, tentées par une image protéiforme – de David Bowie à Beyoncé en passant par Diane Dufresne et Lady Gaga – ont d’ailleurs été habillées par ses soins. L’exposition décline de multiples vêtements emblématiques de ces métamorphoses prisées par le couturier, tels ce bustier muni d’une carrosserie de moto et de rétroviseurs qui donne une silhouette de grosse cylindrée (1992), cette cuirasse façonnant un corps de femme robotisé (1995) [voir illustration] ou cette armure articulée recouverte d’écailles brodées de cristaux dessinant les contours d’une chimère mythologique (1997).

Une scénographie spectaculaire

Ces pièces spectaculaires s’insèrent dans une scénographie qui l’est tout autant. Preuve de l’attachement porté à ce volet, la manifestation ne s’est pas contentée d’un scénographe, mais a convoqué, sous la supervision de la chargée de production des expositions du musée, plusieurs professionnels du monde du spectacle et de l’audiovisuel pour illustrer les différentes séquences du parcours. Ainsi l’artiste multidisciplinaire Michel Lemieux a conçu un hologramme interprétant, dans une ambiance sonore assourdissante la Dissolution de Lady MacBeth pour faire parler les costumes que Mugler a conçus pour la pièce de la Comédie-Française en 1985. Rodeo FX, studio d’effets visuels connu pour son travail sur la série Game of thrones et les films de Luc Besson, a conçu un décor de jungle fluctuant et immersif pour servir de toile de fond aux vêtements à l’effigie d’insectes et d’animaux fantasmagoriques. Et Philipp Fürhofer, scénographe spécialisé dans les opéras, a fabriqué de grands murs de tôles froissés criblés de balles lumineuses pour accompagner les atours futuristes.
 

Des « people » pour lancer la manifestation

Le spectacle est ainsi partout, et même aux portes de l’exposition. Durant la succession de soirées qui ont marqué le lancement de la manifestation, le metteur en scène Mugler a commandité des numéros de cirques et des performances de la part de ses équipes, autant de supports montrant ses créations vestimentaires en action. Il a notamment organisé la venue de l’ultra-médiatique Kim Kardashian, qui n’a pas manqué de porter ses tenues les plus étonnantes devant les photographes. Des images largement diffusées qui ont participé à attirer au vernissage une marée humaine que l’institution n’avait pas connue depuis l’exposition Gaultier. Cette dernière, après son succès montréalais, a sillonné le monde lors de douze étapes (incluant le Grand Palais parisien en 2015) confirmant là l’intérêt du public pour ces luxuriantes expositions de mode. Pour le moment, l’exposition itinérante Mugler ne prévoit que deux arrêts : à Rotterdam et à Munich. Mais ce n’est sans doute qu’un début…

Thierry Mugler, Couturissime,
jusqu’au 8 septembre, Musée des beaux-arts de Montréal, 1380 rue Sherbrooke Ouest, Montréal (Canada).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°520 du 29 mars 2019, avec le titre suivant : La rétrospective Thierry Mugler fait le show à Montréal

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