Depuis l’annonce de la construction du Mucem par Rudy Ricciotti, Marseille est sous les feux de la rampe. Mais la construction de ce nouvel équipement culturel n’est qu’un maillon du grand remodelage du tissu urbain de la ville, une opération d’intérêt national engagée en 1995 dans le cadre d’Euroméditerranée.
Le 19 février dernier, c’est dans une ville prise sous les assauts des marteaux-piqueurs que le futur ex-ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon déambulait jusqu’au môle J4, en contrebas du fort Saint-Jean, en compagnie de l’impétueux architecte et du maire de la ville, Jean-Claude Gaudin. Sur ce site minéral, en front de mer, telle une vigie à l’entrée du vieux port, s’élèvera à l’horizon 2009 le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), nouvel avatar du musée des Arts et Traditions populaires et premier grand musée parisien à être transféré en région. Ajourné un temps pour cause de candidature à la Coupe de l’America, le projet du musée, symbole du renouveau d’un dialogue entre la ville et sa façade maritime, était enfin confirmé par le choix d’un lauréat. Certains – dont Michel Colardelle, son directeur – ne cachaient pas leur souhait de voir se construire un ersatz du Guggenheim de Bilbao, icône fantasmée pour son effet dopant sur une ville sinistrée. D’autres – dont le maire – refusaient pour ce site une architecture outrageusement avant-gardiste. Et parmi les concurrents, dont les plus connus étaient Zaha Hadid, Steven Holl, Patrick Berger ou Rem Koolhaas, c’est le parti d’un Ricciotti respectueux du gabarit préconisé par Yves Lion, l’urbaniste du site, qui a été retenu. On avait connu Ricciotti nettement plus provocateur lorsqu’il concourrait pour le musée des Arts premiers, avec un bâtiment détaché du sol pour mieux signifier le refus d’une intégration forcée de ces cultures par l’ancien colonisateur. Pour le Mucem, les rumeurs diront que les accointances de l’architecte le désignaient d’avance. Reste ce projet, « fragile et dense » selon les mots de Ricciotti, modeste bloc voilé d’une résille de béton simulant l’érosion marine, dressé face à la mer et au fort Saint-Jean. Partie intégrante du programme, celui-ci sera rénové et relié au nouveau bâtiment par une mince passerelle enjambant la darse. Entre le fort, la cathédrale néobyzantine de la Major et les équipements à construire (le centre de la mer et la villa de la Méditerranée), Ricciotti a opté intelligemment pour un bâtiment discret, à insérer dans cette collection d’architectures.
Car le Mucem n’est que le plus médiatique des grands projets de recomposition de la façade maritime phocéenne, orchestrés depuis septembre 2002 par Yves Lion dans le cadre de l’opération Euroméditerranée. Sur près de trois kilomètres, de l’ancien silo à grains d’Arenc, qui sera bientôt transformé en salle de spectacle, au Mucem, la nouvelle cité de la Méditerranée permettra la cohabitation entre activités portuaires, commerces et loisirs. Les anciens docks du XIXe siècle, qui alignent leurs belles élévations de pierre de taille le long du port, ont déjà fait l’objet d’une heureuse rénovation. Mais limiter les opérations au seul front de mer aurait été synonyme d’échec. Pour le relier au centre ville, il fallait en effet faire disparaître un certain nombre de repoussoirs, comme ces voies autoroutières ou ferrées bientôt enterrées ou détournées. L’esplanade de la Major, réduite jusqu’alors au rang d’ornement de rond-point, sera bientôt rendue aux piétons, un tunnel canalisant le trafic vers la gare Saint-Charles, autre quartier en pleine mutation. À proximité, sur la colline de la Belle de mai, les anciennes friches de la Seita, qui s’illuminent tous les soirs des créations visuelles et sonores du groupe Dunes, abriteront désormais trois pôles d’activités culturelles et patrimoniales, alors qu’à quelques centaines de mètres sortiront de terre les bâtiments des réserves du Mucem.
D’ici à 2010, sur les 310 hectares concernés, ce sont ainsi des milliers de mètres carrés de bureaux, commerces, équipements culturels ou logements qui auront été construits ou réhabilités. Un lifting radical, auxquels s’adjoignent quelques opérations municipales, telle la rénovation des musées du palais Longchamp. À coup sûr, Puvis de Chavannes n’y reconnaîtrait plus cette Marseille, Porte de l’Orient qu’il immortalisa en 1868.
« Dessine-moi un musée », présentation du projet du musée national des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, MARSEILLE (13), tour du Roi René – fort Saint-Jean, quai du Port, www.musee-europemediterranee.org, 8 mai-11 octobre. À lire : Rudy Rcciotti, Paul Ardenne, Ante Prima/Birhaüser, 2003.
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La porte de l’Orient s’ouvre à nouveau vers la mer
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : La porte de l’Orient s’ouvre à nouveau vers la mer