La Corée, « pays du matin clair », a vu naître durant la période Choson (1392-1910), une tradition picturale riche et variée exprimant une poésie personnelle, très sensible à la nature.
Par sa situation géographique, la Corée a été amenée à subir les influences de la Chine et du Japon. Mais elle a su garder un langage propre, une vision musicale pleine de charme qui s’harmonise parfaitement avec les traditions de ses grands voisins. L’art japonais ne manque pas d’attrait avec le style très décoratif des paysages étalés sur certains paravents. Mais les influences les plus puissantes viennent de la brillante Chine des Ming (1368-1644) qui conserve le souvenir prestigieux de la peinture des Song. Dans la Corée de la période Choson, seul le peuple est fidèle au bouddhisme. Les élites regardent vers Confucius, avec un arrière-plan taoïste. Les lettrés, hauts fonctionnaires, sont faconnés par la tradition académique où la poésie et la littérature classique servent de références.
Orchidée, chrysanthème et bambou
Homme de réflexion, le lettré vit dans un cadre très simple, il délaye l’encre dans un encrier avant de reposer sa brosse dans un pose-pinceau. Quelques fantaisies se font jour dans ces encriers en porcelaine, « en forme de lotus, de grenouille ou même des Monts de diamant ». Le mobilier est simple mais n’exclut pas certaines sculptures incrustées de nacre qui rehaussent l’élégance de cette table basse. Contemplant les saisons qui défilent à l’extérieur, le lettré calligraphie ses poèmes souvent teintés d’intimisme. Les « quatre plantes nobles » lui apparaissent sur un arrière-plan confucéen. Le bambou éternellement vert qui plie et ne rompt pas, symbole de loyauté, inspire les Coréens après avoir été un classique de l’art chinois. Puis, annonçant le renouveau du printemps, c’est le prunier dont les fleurs devancent la fonte des neiges. L’orchidée règne sur un monde de beauté fragile. Mais au cœur de l’automne, il y a encore le robuste chrysanthème. Enfin n’oublions pas la vigne, entrelacs de feuillages et de grappes rappelant le plaisir du vin, cher aux poètes. Un rouleau anonyme du XVIe siècle, Figure dans un paysage, a fixé l’image de ce lettré. Il est assis entre des rochers, au-dessus de lui des pins semblent s’arc-bouter pour résister, et au loin, une longue chute d’eau rappelle la fuite irrémédiable du temps. D’autres paysages demandaient des enchaînements plus vastes, au-delà des limites du rouleau, et s’étalaient sur des paravents. Les oiseaux y apparaissent souvent, les oies sauvages en vol, offrant au spectateur l’illusion d’être en plein air. D’autres animaux rappelaient aux Coréens leurs racines campagnardes. La vision du peintre est réaliste, comme dans les Bœufs de Kim Sik (1579-1662) ou dans le Lettré sur son âne dans un paysage de montagne de Chong Son (1676-1759) qui a aussi réalisé de nombreuses scènes de vie populaire. Et paradoxalement, d’autres visions sont presque surréalistes. Un vieux maître ne disait-il pas : « On peint son âme en empruntant l’objet » ?
« La poésie de l’encre. Tradition lettrée en Corée (1392-1910) », PARIS, musée des Arts asiatiques Guimet, 6 place Iéna, XVIe, tél. 01 56 52 53 00, 16 mars-6 juin. Cat., RMN, 40 euros.
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La poésie de l’encre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°568 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : La poésie de l’encre