Les arts vivants ont hanté le travail du peintre. L’accrochage du Palais des beaux-arts l’illustre avec justesse.
BRUXELLES - Cela faisait plus de cinquante ans que Paul Klee (1879-1940) n’avait pas eu les honneurs d’une grande exposition en Belgique. Accrochage intimiste, éclairage subtil, scénographie élégante ponctuée de scansions documentaires jamais rébarbatives : les espaces du Palais des beaux-arts se sont mués en un bel écrin pour accueillir l’œuvre complexe du peintre germano-suisse. Et révèlent a contrario la grande faiblesse des salles du Zentrum Paul Klee de Berne avec lequel est coproduite l’exposition et qui en constitue le principal prêteur – il détient 40 % de l’œuvre du peintre. Quiconque a visité le musée sculptural construit par Renzo Piano, inauguré en 2005 à la périphérie de Berne, appréciera de pouvoir regarder ici des tableaux traditionnellement accrochés dans ce qui tient plus du hall de gare que de la salle de musée.
Auteur d’un travail d’une extraordinaire diversité, évoluant entre figuration, abstraction, cubisme ou expressionnisme, Klee est appréhendé sous l’angle de deux thématiques : le théâtre et la musique. Si l’artiste n’a jamais travaillé directement pour le théâtre, les arts vivants ont toujours occupé une place singulière dans sa peinture. Enfant, il griffonnait déjà des personnages de tragédie dans les marges de ses cahiers et manuels d’écolier. Amateur de théâtre et d’opéra qu’il apprécie par-dessus tout, de danse mais aussi de formes plus populaires de spectacles – tels le cirque ou les marionnettes découvertes au Kasperl à Munich –, le peintre y tire une large part de son inspiration. Les acteurs, y compris les membres de son entourage, lui procurent un répertoire de figures, alors que le recours aux masques lui permet de singer mimiques et sentiments humains. En taxinomiste, Klee reproduit les visages de célébrités dont les photographies envahissent la presse populaire pour établir une typologie des différentes beautés. La danse, enfin, l’inspire pour décortiquer les principes du mouvement et de la gestuelle.
Enseignant au Bauhaus, Klee est immergé dans les recherches sur le théâtre expérimental menées au sein de l’école, avec lesquelles il semble toutefois garder une certaine distance. Ses propres travaux l’amènent plutôt à explorer un sujet qui lui tient à cœur de longue date : la corrélation entre peinture et musique. En témoigne la dernière section de l’exposition, qui a été confiée au compositeur Pierre Boulez, dont les Douze notations sont jouées par un piano mécanique. À travers une soixantaine d’œuvres, dont deux prêts exceptionnels du Museum of Modern Art de New York, ainsi que les notes de ses cours au Bauhaus (Contribution à la théorie de la forme picturale), la sélection de Pierre Boulez illustre, comme une évidence, la musicalité de l’abstraction de Klee.
- Commissaire de l’exposition :
Christine Hopfengart, Zentrum Paul Klee, Berne
- Commissaire invité : Pierre Boulez
- Coproduction : Zentrum Paul Klee, Berne
- Scénographie : Pius Tschumi, Kunstumsetzung GmbH, Zürich
- Nombre d’œuvres : 220
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La petite musique de Klee
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°277 du 14 mars 2008, avec le titre suivant : La petite musique de Klee