LAUSANNE
La Fondation de l’Hermitage présente un bref « medley » sans prétention de la peinture anglaise de 1830 à 1900, offrant d’intéressantes pistes de découverte.
Lausanne. Lorsqu’on connaît la Fondation de l’Hermitage, cette jolie villa surplombant le lac Léman, le titre de l’exposition provoque l’étonnement. Comment montrer près de soixante-dix ans de peinture anglaise dans un si petit espace ? En fait, William Hauptman, le commissaire, n’a pas tenté de résumer l’histoire de la peinture sous le règne de Victoria à travers les cinquante-quatre œuvres qu’il a réunies. « Ici, en Suisse, la peinture anglaise du XIXe siècle est très mal connue, constate-t-il. Mon projet était de montrer l’originalité et la diversité de la production de la période victorienne. Je voulais aussi me tenir en dehors des clichés : j’ai choisi des œuvres que l’on ne voit généralement pas, parce que l’on visite peu les musées à Sheffield, Exeter ou Liverpool. » Ce qui est sans doute une manière diplomatique de dire qu’il n’a pu obtenir les prêts des œuvres qu’il convoitait. Une seule toile est issue d’une collection particulière (hormis les deux qui appartiennent à la reine), ce qui exclut nombre d’icônes de cette période, souvent détenues en mains privées. On se souvient par exemple que l’exposition « Désirs et volupté à l’époque victorienne », en 2013 à Paris, réunissait des œuvres de la collection Pérez Simón. Il faut ajouter que, si plusieurs tableaux proviennent de la Tate Gallery (Londres) ou de l’Ashmolean (Oxford), qui sont des musées souvent inscrits dans les parcours touristiques, ce ne sont pas ceux que l’on ira voir en priorité.
Le parcours est thématique, faisant se succéder les scènes de genre et les paysages (dont deux Turner), ménageant des focus sur l’inspiration littéraire ou la peinture de la réalité sociale. La dernière salle réunit Whistler, Sargent, Rossetti, Sandys et Watts. Là encore, il ne s’agit pas des œuvres les plus connues : de Whistler, on peut découvrir l’autoportrait Brown and Gold (« Marron et or », 1895-1900) et Red and Black : The Fan (« Rouge et noir : l’éventail », 1891-1894). Pour Dante Gabriel Rossetti, c’est une version tardive (1880) de sa Beata Beatrix.
Le public sera davantage séduit par la partie de l’exposition consacrée aux scènes de genre. Ce sont des moments joyeux de la vie urbaine mais aussi des évocations de la terrible pauvreté du peuple ou du sacrifice des militaires servant l’Empire britannique. Comme autrefois lors des expositions de l’Academy à Londres, le visiteur passe de l’émotion au sourire et tente de deviner l’action. Un livre de John Hadfield sur la peinture victorienne est très justement intitulé Every Picture Tells a Story (1985, « Chaque tableau raconte une histoire »). La littérature a inspiré des œuvres d’un grand charme et un rien exotiques pour un continental : La Vigile de la Sainte-Agnès (1863) est une toile atypique de John Everett Millais d’après le poète John Keats ; Una et le lion (1860) de William Bell Scott est tiré de La Reine des fées d’Edmund Spenser ; et La Dame d’Escalot (1858) de William Maw Egley reprend un poème d’Alfred Tennyson. Dans ce domaine, la palme revient à La Réconciliation d’Oberon et de Titania (1847) de Joseph Noel Paton. Cette scène échevelée tirée de Shakespeare cache un petit personnage qui a donné son physique au Yoda de La Guerre des étoiles.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°517 du 15 février 2019, avec le titre suivant : La peinture victorienne par la bande