Après avoir dévoilé les chefs-d’œuvre de la Pinacothèque d’Athènes en 2004, ou ceux du Musée Fabre de Montpellier en 2006, la Fondation de l’Hermitage poursuit ses savants prélèvements dans les collections publiques en offrant à la curiosité des Lausannois les « trésors » de l’Accademia Carrara de Bergame.
LAUSANNE (Suisse) - Grâce au soutien de la Banque de Prêt et de Dépôt, le musée suisse a profité du grand chantier de rénovation de l’institution lombarde pour sortir des réserves plus d’une soixantaine d’œuvres qui composent un savoureux périple à travers les écoles du nord de l’Italie, du XVe au XVIIIe siècles. En préambule, les portraits de trois donateurs, le comte Giacomo Carrara, fondateur de l’Accademia en 1796, Guglielmo Lochis (1789-1859) et l’illustre historien de l’art Giovanni Morelli (1816-1891), placent l’exposition sous le signe de la collection privée, rappelant, entre les murs de cette villa du XIXe, le contexte originel de ces tableaux de maître.
L’échantillon sélectionné par les commissaires esquisse une histoire de la peinture italienne qui commence avec le petit Christ en croix sur fond or à la manière Byzantine, attribué à Lorenzo Monaco (vers 1405). De cette liqueur de musée émanent les différentes voies qui mènent aux canons de la Renaissance, quand les icônes impassibles laissent place à la perspective et aux voluptés des corps en mouvement. Le thème de la Vierge à l’enfant traverse les premières salles pour décrire, par exemple, les évolutions de la représentation du Christ. Incarné chez Bellini (vers 1476) par un petit garçon potelé tentant d’échapper aux bras de sa mère, il perd son auréole et ses dorures dans la scène bucolique que décrit le jeune Titien en 1507, où l’enfant aux joues roses s’amuse avec les cheveux de sa mère attendrie. La perspective, le paysage, les drapés aux couleurs flamboyantes gagnent peu à peu les tableaux où s’immisce la narration comme dans les délicieuses « saintes conversations » dont Lorenzo Lotto s’est fait le spécialiste. Sur le vert aquatique des cimaises, le regard navigue de siècles en siècles, faisant d’incontournables escales, au XVIe devant les saisissants portraits de Giovanni Battista Moroni, ou les natures mortes aux instruments de musique d’Evaristo Baschenis au XVIIIe, avant de se jeter dans les cristallines vedute vénitiennes de Canaletto à la fin du XVIIIe.
Lumières hypnotiques
Au-delà de leur pertinence historique, chacune des œuvres choisies par les commissaires semble vouloir ressusciter la passion de la peinture qui animait leurs ultimes propriétaires. L’œil est absorbé par le Portrait de Lionello d’Este (1441) de Pisanello, bijou de l’art néogothique tout juste restauré qui recouvre l’éclat des minutieux détails de son costume princier. Il est hypnotisé par le Portrait d’une enfant de la famille Redetti percé par le regard à la fois timide et sévère d’une fillette. Enfin, le Saint Sébastien du jeune Raphaël (vers 1502), rêveur, baigné dans la lumière chaude d’un paysage au doux sfumato, pourrait-il réveiller quelques instants la ferveur préservée sous le vernis, comme un trésor.
Jusqu’au 26 octobre, Fondation de l’Hermitage, 2, route du signal, Lausanne, tél. 41 21 320 50 01, du mardi au dimanche 10h-18h. Catalogue, Silvana Editoriale, 33 euros.
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La peinture réenchantée ?
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires de l’exposition : Giovanni Valagussa, conservateur à l’Accademia Carrara ; Juliane Cosandier, directrice de la Fondation de l’Hermitage
- Nombre d’œuvres : 70
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°286 du 5 septembre 2008, avec le titre suivant : La peinture réenchantée ?