Le Musée des beaux-arts d’Angers met en regard l’œuvre d’Yves Klein avec celle de sa mère, Marie Raymond, figure de l’art abstrait des années 1940-1960.
ANGERS - Le propos de Robert Fleck, auteur du catalogue de l’exposition, vise à réhabiliter l’œuvre de Marie Raymond, « injustement oubliée ». Si elle permet de montrer qu’Yves Klein naît et grandit dans une famille d’artistes qui l’a forcément nourri et influencé, l’exposition en montre aussi les limites. Sa mère produit une œuvre abstraite aux influences multiples, qui a eu son heure de gloire, mais qui apparaît aujourd’hui mineure. Mariée à l’artiste Fred Klein – quelques-unes de ses œuvres, anecdotiques, sont aussi présentées –, Marie Raymond est, dans les années 1940-1960, une figure importante de la vie artistique parisienne. Elle obtient le prix Kandinsky en 1949, est reconnue en France comme à l’étranger – elle aura les honneurs d’une rétrospective au Stedelijk Museum
d’Amsterdam en 1957 –, organise ses « lundis », sortes de salons d’avant-garde où l’on parle art et littérature. Pierre Restany la remarque et la défend, avant de s’intéresser, dès 1956, à l’œuvre de son fils. Dire que l’on ne peut comprendre l’art d’Yves Klein à sa juste mesure sans connaître le travail de sa mère (telle est la thèse développée ici par Robert Fleck) est sans doute lui donner trop d’importance. Mais cette exposition, la première à étudier l’émergence de la peinture d’Yves Klein à travers ce rapport mère-fils, a le double mérite de proposer un nouvel angle d’étude et de présenter des œuvres peu vues voire inédites, issues des archives familiales.
Huit ans de carrière
Comme le précise Patrick Le Nouëne, conservateur en chef du patrimoine et directeur des musées d’Angers, il s’agit d’une exposition « sur la famille Klein, conçue avec la famille », toutes les œuvres présentées leur appartenant, à quelques exceptions près. On ne trouvera donc pas ici les grands chefs-d’œuvre de l’artiste, mais des pièces significatives – la Victoire de Samothrace, le Globe terrestre, quelques anthropométries et des monochromes bleus, la Sculpture sans titre (Arbre bleu) – évoquant ses différentes périodes, et nombre de peintures de ses débuts, notamment quatre aquarelles de 1950 très réussies.
Klein se destine d’abord à une carrière de judoka, sport dans lequel il excelle. Il s’intéresse en parallèle à la peinture, encouragé par sa mère et un environnement propice à la création ; Marie Raymond côtoie les principaux acteurs de la vie artistique et Klein grandit véritablement « dans la peinture ». Les murs de l’appartement familial sont couverts de tableaux de Mondrian, artiste décisif dans le développement de ses recherches. Preuve en est l’ensemble de petits monochromes (1951-1958) accrochés de façon rapprochée pour former, selon les mots de Patrick Le Nouëne, un « Mondrian éclaté ». Alternant œuvres de Marie Raymond, de Fred Klein et de leur illustre fils, l’exposition ne cherche pas à établir de parallèles, suggère simplement quelques résonances, évoquant par le prisme de la famille le développement d’une œuvre fulgurante – huit années seulement – interrompue brutalement en 1962, lorsqu’Yves Klein succombe à une crise cardiaque à l’âge de 34 ans. Elle montre aussi comment sa conception nouvelle de la peinture a fait voler en éclats les valeurs établies de l’art abstrait, et en premier lieu celles défendues par sa mère.
Jusqu’au 27 février, Musée des beaux-arts, 14, rue du Musée, 49100 Angers, tél. 02 41 05 38 00, www.an gers.fr/mba, tlj sauf lundi 12h-18h, nocturne le 1er vendredi du mois jusqu’à 20h. Cat. bilingue français/anglais, éditions Expressions contemporaines, 248 p., 150 ill., 32 euros, ISBN 2-909166-14-7.
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La peinture de mère en fils
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Abonnez-vous dès 1 €1908 : Naissance de Marie Raymond. 1926 : Mariage avec Fred Klein. 1928 : Naissance d’Yves. 1946 : Ouverture de la galerie Denise René qui présente les œuvres de Marie Raymond. Yves Klein commence la pratique du judo. 1949 : Marie Raymond reçoit le prix Kandinsky. 1951 : Elle participe à la première Biennale de São Paulo, au Brésil. 1954 : Yves Klein peint et ouvre sa propre école de judo. 1955 : Refusé au Salon des Réalités nouvelles, Klein présente sa première exposition personnelle, « Yves : peintures ». 1956 : Exposition d’Yves Klein chez Colette Allendy, texte de Pierre Restany. 1960 : Manifeste du Nouveau Réalisme et dépôt du brevet du IKB (International Klein Blue). 1962 : Yves Klein meurt le 6 juin. 1989 : Mort de Marie Raymond.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : La peinture de mère en fils