La passion des images

« Les images, ma seule, primitive passion », de cette phrase de Baudelaire, Didier Ottinger n’a retenu que les deux derniers mots pour le titre de l’exposition qu’il « signe » au Palais des Papes d’Avignon. Titre et exposition nécessitent des explications qu’on trouve en abondance dans le catalogue. Le mot passion est ici à prendre dans son sens premier de souffrance, de sacrifice. La passion des images est alors ce qui, en elles, procède d’un auto-sacrifice, ce qui annihile leur prétention à tenir lieu de réel ou à rendre un compte exact du réel.
Au fondement de cette réflexion on trouve, bien sûr, le débat historique sur l’idolâtrie, la querelle des images à Byzance et le statut de l’icône : idéalement celle-ci devait être vidée de la réalité à laquelle elle renvoyait, pour n’être qu’un lieu « de passage » vers cette réalité. Didier Ottinger voit en cette « dimension passionnelle »  de l’image une fonction primordiale de la peinture actuelle, à l’œuvre dans le travail des 12 artistes qu’il a réunis. Fonction de résistance à la toute puissance des images dans le monde actuel, à leur pouvoir aliénant, leur prétention à dire la réalité, leur mensonge de vérité. Ce sont les figures de cet évidement de l’image qui sont retenues, au fil de procédures très diverses : qu’il s’agisse du gommage des clivages abstrait/figuratif (Hélion, Fajfrowska), de l’instabilité des matériaux utilisés (sel, miel, citron pour Bertrand, peintures toxiques ou dégradables pour Mayaux), de l’appropriation critique d’images télévisuelles (Benzaken), ou de l’enfouissement de l’image (Leroy), pour n’en citer que quelques-unes.