Photographe, prix World Press Photo en 1993, Françoise Huguier sillonne le monde de Bamako, où elle a créé la Biennale, aux appartements communautaires de Saint-Pétersbourg. Elle est l’une des trois commissaires invités du Mois 2008.
L’œil : Pourquoi avoir retenu un thème aussi large pour cette édition 2008 du Mois de la photographie : « Entre tradition et mutation » ?
Françoise Huguier : Parce qu’il est nécessaire de définir un thème pour fédérer le parcours des quatre-vingt-dix expositions du Mois. Bien sûr, on en connaît les limites : telle galerie importante devra être présente indépendamment de son exposition ; tel photographe aura plus ou moins de légitimité avec le thème retenu… Je me suis opposée, par exemple, à l’exposition des tirages de Blumenfeld que l’on a déjà vus mille fois ! J’étais également contre les « Femmes tchétchènes » de Spiekermeier [Little big galerie] dont le sujet me semble suspect…
Mais le Mois, c’est une somme de choix qu’il faut défendre, imposer pour, au final, organiser un programme de très bonne tenue. Cela nécessite beaucoup d’énergie et de travail…
L’œil : Quelles sont les bonnes surprises du « Mois » de cette année ?
F. H. : Il y a d’abord les photographes Nathan Lerner et Lars Tunbjörk [voir ci-contre], l’exposition « Retour en Lorraine » au Bar Floréal, Guillaume Herbaut, Hervé Dez qui a travaillé sur l’ancienne Yougoslavie [Kamchatka], Stéphan Zaubitzer qui photographie des salles de cinéma [Naço], Marinus dont quelqu’un m’a dit qu’il ne s’agissait pas de photographie !
Il y a aussi Patrick Tournebœuf à qui j’ai demandé de montrer un aspect moins connu de son travail, et pour lequel j’ai dû me battre. J’ai aussi défendu le travail de Frédéric Sautereau sur les frontières de l’Europe de l’Est. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé de lieu pour l’exposer…
L’œil : Quelle est la situation de la photographie en France ?
F. H. : Nous avons de plus en plus de difficulté à photographier. Il n’y a plus de « traîneurs de rues » qui, comme Bourel, prennent des risques et vont dans les recoins. La mode est au portrait, à l’exploit du grand format et à la photo en série. La faute au droit à l’image mais surtout à l’autocensure que les photographes s’infligent avant même d’appuyer sur le déclencheur.
Alors certains vont vers la mise en scène et la fiction. Mohamed Bourouissa reconstitue par exemple des scènes de banlieue [Filles du calvaire]. Ça c’est intéressant ! Je ne suis pas de l’école Cartier-Bresson et de « l’instant décisif ». J’ai moi-même tendance, dans mon travail [sur les Kommounalki, lire L’œil n° 603], à mettre en scène. D’ailleurs, le cadrage est déjà un choix fictionnel.
Créé en 1980, le Mois de la photo a lieu à Paris tous les deux ans, en novembre. Cette année, la manifestation présente près de 90 expositions et organise des rencontres et des projections plus ou moins en résonance avec le thème choisi. Galeries, musées, bibliothèques… se mobilisent pour accueillir toutes les photographies : mode, reportage, publicité, etc. En 2004, le Mois européen de la photo ouvre l’événement aux capitales européennes dans une volonté de construire un réseau d’échanges et de collaborations. www.mep-fr.org
Le off propose un contrepoint aux expos officielles. www.moisdelaphoto-off.org
Paris Photo se tiendra du 13 au 16 novembre au Carrousel du Louvre. www.parisphoto.fr
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« La mise en scène, ça c’est intéressant ! »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°607 du 1 novembre 2008, avec le titre suivant : « La mise en scène, ça c’est intéressant ! »