PARIS
Le rêve d’Icare est éternel. C’est le thème choisi pour la dernière exposition de cet espace influent avant sa fermeture définitive, le 28 octobre.
Paris.« Ce qui nous intéressait, ce n’est pas tant le vol réel que le rêve de voler. » Le rêve d’un ailleurs, de l’élévation du corps et de l’esprit que le collectionneur et mécène Antoine de Galbert aura partagé avec Léonard, ses amis et d’innombrables visiteurs au fil des expositions montrées à La Maison rouge depuis sa création en 2004.
Jusqu’à cet ultime envol, clin d’œil symbolique et titre de l’exposition, dont le commissariat a été partagé avec des proches : Barbara Safarova, Aline Vidal et Bruno Decharme. La dernière avant la fermeture annoncée de ce qui aura été une aventure à part, un lieu emblématique de l’art contemporain à Paris – 131 expositions en tout, dernièrement plus de 100 000 visiteurs par an. La Fondation Antoine de Galbert, elle, va poursuivre ses activités, avec des moyens moindres. Une donation de sa collection personnelle a déjà été faite au Musée des Confluences à Lyon, soit plus de 500 objets ethnologiques, bientôt exposés. « L’aventure, c’était au début. C’est peut-être parce que l’on n’est plus dans l’aventure que cela m’amuse moins. C’est une nécessité de faire autre chose, autrement. Sans regrets, avec joie, tout ça se termine de la meilleure façon possible. Ce qui compte, c’est ce que l’on fera demain. » L’exposition a failli s’intituler « Les ailes du désir », en référence au film culte de Wim Wenders.
Un corpus généreux illustre la thématique : photographies, vidéos, dessins, peintures, sculptures, installations, œuvres d’art brut, ethnographiques, étranges objets volants plus ou moins identifiés, folles machines et autres projets destinés à explorer l’espace. « Peut-être est-ce parce que je ne sais pas nager que j’ai décidé d’apprendre à voler. J’ai répété cet exercice pendant trois ans. C’est possible que je n’atteigne jamais mon but. Mais si je peux persuader mon fils de poursuivre cet exercice, et aussi le fils de mon fils, alors peut-être, un de mes descendants découvrira qu’il sait voler », déclare Gino De Dominicis dans une vidéo qui montre ses tentatives vaines d’albatros cloué au sol pour s’élever dans l’éther. On croise plus loin Méliès et son fameux Voyage dans la Lune, le Saut dans le vide d’Yves Klein (1960), Urs Lüthi sur son tapis volant (1976), les plumes montées sur tige métallique de Rebecca Horn (La Petite Sirène, 1990), une installation ailée d’Ilya et Emilia Kabakov (2010), le Japanese Flying Pak (2001) de Panamarenko, bricolage improbable de ceintures en cuir, tube en métal, hélices en plastique… Mais aussi des planches de BD, « Little Nemo », Moebius ou encore un étonnant Spoutnik russe signé André Robillard.
Robert Rauschenberg exécute une bien singulière danse de séduction sur roulettes, paré d’un costume de scène dans Pelican (1963), Loïe Fuller déploie ses voiles majestueux. Utopies, ascensions, esprits, extases, science-fiction, ovnis, élévations… Des soucoupes volantes voisinent avec Philippe Ramette en lévitation, la scène d’hélicoptère de La Dolce Vita de Fellini, quelques vaisseaux tel From Walden to Space de Stéphane Thidet. « Bien sûr, nous ne parviendrons jamais à nous envoler, écrit Antoine de Galbert, mais il y va de notre survie d’en nourrir le rêve, incessamment. Car il arrive parfois que miracle se passe… à moins que La maison rouge n’ait été qu’un mirage. »
jusqu'au 28 octobre, La Maison rouge, 10, bd de la Bastille, 75012 Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : La Maison rouge prend son envol