Deux têtes romaines antiques, l’une féminine, l’autre masculine, figées dans l’attente d’un hypothétique baiser.
Les lèvres de la première sont peintes à l’aquarelle, sur la joue de la seconde roule une larme minérale. Intitulée The Eternal Kiss (2015), la sculpture signée Francesco Vezzoli est placée au milieu des tableaux de la série Three Dialogues (1977) de Cy Twombly, alternant présence d’azur et secousses graphiques. C’est, affirme l’artiste, sa pièce préférée, dans un parcours qu’il a lui-même conçu en réponse à l’invitation de la Collection Lambert. Ses créations y dialoguent avec une sélection d’œuvres de Louise Lawler, Giulio Paolini et Cy Twombly, et Vezzoli fait mine de s’interroger sur l’idéal de la représentation classique. Mais c’est bien plutôt la notion de contemporain qu’il soumet à un test de valeurs. La scénographie a l’évidence de la simplicité : aux murs, les peintures, collages et photographies retenus dans la collection, au centre de chaque pièce, ses propres sculptures, réinterprétations ou assemblages de statuaires anciennes. Avec The Eternal Tears, Vezzoli pousse l’exercice d’admiration jusqu’au pastiche précieux et la réflexion esthétique sur le terrain politique. Composant à partir de fragments une œuvre à la manière de Paolini, où le marbre rare aurait remplacé le plâtre de l’Arte Povera, il fait remarquer : « Quand Paolini expose son travail, Kennedy représente les États-Unis. Le mien, qui est fait de fragments de sculptures originales très coûteuses, arrive quand Donald Trump est président. Le monde a changé, et l’art avec lui. »
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°723 du 1 mai 2019, avec le titre suivant : La maestria Vezzoli