La liberté du regard

Le Musée de Charleroi hors les murs

Le Journal des Arts

Le 16 mai 1997 - 368 mots

La liberté apparaît au centre des préoccupations futures du Musée de la photographie. Une exposition en témoigne, qui entend bien sortir du musée pour aller à la rencontre du public.

CHARLEROI (de notre correspondant). Pour commémorer ses dix ans d’existence, le Musée de la photographie a mis sur pied un projet d’envergure témoignant de l’état d’esprit, frondeur et imaginatif, qui a présidé à sa création. "Dérision et Raison" tient de l’engagement. Comme l’annonce Georges Ver­cheval : "En ces temps troublés, la raison apparaît comme vertu ou valeur morale… La société cherche refuge dans le conformisme et la normalisation, rejetant l’irrationnel et l’anormalité, paralysant l’art. Il s’agit d’un danger réel, car il n’est pas si loin le temps où des livres étaient brûlés et l’art "dégénéré"… interdit". À l’intérieur du musée, des photographies de Warhol, Sherman, Michals, Gray, Gilbert & George, Padula, Adál, Jurado ou Charlier témoignent de ce regard qui, à la fois, dénonce les travers du monde et façonne une réalité imaginaire. Reportage et invention se fondent et se confrontent dans un mouvement qui transforme l’espace photographique en un lieu d’interrogation. Si pour Adál, la photo­graphie est un outil politique opposant l’ordre de l’image au chaos du monde, d’autres, comme Jurado font de la photographie une mécanique poétique vouée à la surréalité. Chaque artiste présenté s’impose comme un regard propre porté sur le monde. L’image prend ainsi une valeur emblématique : discours qui fonde la légitimité d’un propos ou reportage objectif qui déborde l’illusion de ces mêmes mots, la photographie appartient à la conscience moderne. Ceci a conduit le Musée de la photographie à revendiquer sa place dans la ville. Débordant le cadre strict du musée, les photographies de "Dérision et Raison" investissent les espaces publicitaires de Charleroi. En 20 ou en 100 m2, des photographies géantes appelleront le passant. Événement publicitaire, cet affichage constitue aussi un manifeste. La revendication d’une conscience que Georges Vercheval assigne à la photographie : être le témoin critique de son temps pour puiser dans cette liberté les moyens d’un regard différent.

DÉRISION ET RAISON, jusqu’au 31 août, Musée de la photographie, 11 avenue Paul-Pastur, 6032 Charleroi Mont-sur-Marchienne, tél. 32 71 43 58 10, tlj sauf lundi 10h-18h. Entrée : 150 FB.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°38 du 16 mai 1997, avec le titre suivant : La liberté du regard

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