Une exposition au parcours peu ordonné célèbre la personnalité et les tenues hors du commun de celle qui inspira le personnage de la duchesse de Guermantes à Proust.
PARIS - Les amateurs de mode connaissent bien le nom de la comtesse Greffulhe (1860-1952). Le Palais Galliera conserve en effet une grande partie de sa garde-robe donnée par ses héritiers et descendants à partir de 1964. Parmi ces pièces, quelques chefs-d’œuvre ont déjà pu être admirés dans des expositions temporaires aux thématiques transversales : ainsi de la fabuleuse robe d’intérieur (tea-gown) d’inspiration Renaissance façonnée par Charles Worth en 1895, vue dans l’exposition « Paris Haute couture » en 2013. Ou du manteau d’apparat ouzbek, cadeau du tsar de Russie transformé par le même couturier en 1904, présenté dans « Paris 1900 » en 2014.
L’exposition proposée aujourd’hui par Galliera, qui montre ces deux pièces (1) aux côtés de 41 autres vêtements accompagnés d’accessoires, de dessins et de photographies, permet de dresser pour la première fois le portrait, au moins vestimentaire, d’une des femmes les plus admirées de Paris par son élégance, son charisme et sa stupéfiante beauté. La nature désorganisée du parcours frappe néanmoins dès l’entrée. Il faut chercher le panneau introductif tandis que la biographie de la comtesse n’apparaît qu’à l’issue de la première salle. Le visiteur papillonnera ainsi dans cette présentation ni véritablement chronologique ni clairement thématique où les pièces semblent parfois posées les unes à côté des autres sans grande logique.
Auréole d’immortalité
Les vêtements paraissent avoir été classés par couleur plus que par date, ce qui pourra décevoir les partisans d’une approche historique. On découvrira ainsi les robes des Années folles (1920) avant la robe de jour en soie rose de la maison Soinard de 1887 ; ou les images de la comtesse filmée en compagnie de sa fille de 20 ans avant les esquisses que fit d’elle Paul-César Heleu, peintre et admirateur, douze ans plus tôt. Est-ce pour nimber le personnage d’une auréole d’immortalité que l’exposition se refuse de suivre docilement sa chronologie ? (Elle-même s’était rajeunie de huit ans sur sa carte d’identité.)
Très soucieuse de son image, la comtesse s’est fait photographier au summum de sa beauté, beaucoup moins par la suite. On conserve néanmoins quelques photographies de la comtesse âgée que l’exposition a choisi de ne pas présenter, réservant pour la fin l’image « éternelle » de la Greffulhe, un célèbre tirage représentant l’aristocrate posant face au miroir dans sa robe du soir noire à motifs de lys façonnée par (encore et toujours) Worth. Cette image de 1896 signée Nadar a obsédé une vie durant Marcel Proust qui essaya jusqu’à sa mort de l’acquérir. L’image idéalisée de la Greffulhe doit beaucoup au regard que l’écrivain a porté sur celle qui a servi de modèle à son élégante duchesse de Guermantes ; tout comme à celui d’autres plumes, dont les citations jalonnent l’exposition.
Jouant de l’effet qu’elle produisait sur ses contemporains, la comtesse travaillait chaque regard et apparition, comme en témoignent ses notes, également apposées sur les cimaises. Galliera réalise ainsi un portrait partiel de la comtesse, qui élude certains pans moins glamours de sa biographie (elle a joué un rôle-clef dans le financement de l’Institut du radium), mais la canonise dans la posture de l’icône de beauté qu’elle aurait sans doute aimé conserver à jamais.
(1) On remarquera que pour respecter le temps de « repos » recommandé en conservation préventive des textiles, ces deux vêtements auraient dû sommeiller plus longtemps dans les réserves (quatre mois d’exposition pour quatre ans à l’abri).
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La Greffulhe ou un amour de « swag »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 20 mars, Palais Galliera, 10, av. Pierre-Ier-de-Serbie, 75116 Paris, 01 56 52 86 00, www.palaisgalliera.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi jusqu’à 21h, entrée 8 €. Catalogue, 152 p, 37 €.
Légende photo
Worth, Robe d’intérieur ou tea-gown, vers 1897, velours ciselé bleu foncé sur fond de satin vert, dentelle de Valenciennes, Palais Galliera, Paris. © Photo : Stéphane Piera/Galliera/Roger-Viollet.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°449 du 22 janvier 2016, avec le titre suivant : La Greffulhe ou un amour de « swag »