LE HAVRE (SEINE-MARITIME) - Comment capturer les nuages ? Phénomène naturel dont l’un des intérêts majeurs réside dans son caractère éphémère, le nuage n’a pas manqué de passionner les artistes.
On pense bien entendu à Constable, dont les recherches atmosphériques ont été inspirées par la nomenclature des nuages établie par le météorologue Luke Howard (1802). Les collections du Musée Malraux au Havre sont, elles, particulièrement riches en études de ciel d’Eugène Boudin. L’occasion pour le musée havrais et le FRAC [Fonds régional d’art contemporain] Haute-Normandie, et leurs directeurs respectifs Annette Haudiquet et Marc Donnadieu, d’opérer un rapprochement opportun. Se fondant sur les études de Boudin, les commissaires ont choisi de présenter les diverses manières dont les photographes, du XIXe siècle à nos jours, ont pris le relais du peintre normand. Le nuage n’a-t-il pas, comme le suggère Marc Donnadieu, « la beauté éphémère et primitive de la photographie » ?
Délaissant parfois la chronologie, l’accrochage thématique décline les tendances, arborant tout d’abord les problèmes techniques liés aux premiers stades de la photographie – Gustave Le Gray y remédiait en superposant deux négatifs dont le temps d’exposition était différent. De phénomène naturel qu’il fallait décrire et répertorier, le nuage se fit personnage, élément décoratif, reflet d’un état d’âme, symbole d’immensité ou de liberté. Plus tard il sera manipulé, déformé et créé de toutes pièces par le biais des techniques numériques. Les nuages de mauvais augure, s’amoncelant à l’horizon et menaçant d’apporter le mauvais temps, n’ont pas la part belle au musée. Or l’installation vidéo de Laurent Grasso, présentée pour des raisons pratiques dans les locaux de l’association havraise Le Portique, comble cette lacune en mettant en scène un nuage qui avance à grande vitesse dans les rues de Paris, sur un fond sonore troublant. Si Marc Donnadieu y voit une réminiscence du « Rôdeur », cet énorme ballon blanc qui jouait le rôle du maton dans la série télévisée britannique des années 1960 « Le Prisonnier », cette brume épaisse évoque également les tourbillons de poussière et de cendres qui ont envahi les rues de Manhattan au moment de l’effondrement des tours du World Trade Center en 2001. Volontairement laissé de côté au Havre, le thème du nuage inquiétant mériterait pourtant à lui seul une exposition.
« LES NUAGES… LÀ-BAS… LES MERVEILLEUX NUAGES ! » AUTOUR DES ÉTUDES DE CIEL D’EUGÈNE BOUDIN. HOMMAGES ET DIGRESSIONS, jusqu’au 24 janvier 2010, Musée Malraux, 2, boulevard Clemenceau, 76600 Le Havre, tél. 02 35 19 62 77, http://musee-malraux.ville-lehavre.fr, tlj sauf mardi et jours fériés, 11h-18h, 11h-19h le week-end. Catalogue, Somogy Édition d’art, 176 p., 150 ill. coul., 25 euros, ISBN 978-2-7572-0299-9.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La grâce de l’éphémère
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €LES NUAGES…
Commissaires: Annette Haudiquet, directrice du Musée Malraux ; Marc Donnadieu, directeur du FRAC Haute-Normandie
Œuvres : environ 200 tableaux et photographies, dont des ensembles majeurs du Musée d’Orsay et de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris
Budget : près de 250 000 euros
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°312 du 30 octobre 2009, avec le titre suivant : La grâce de l’éphémère