En 1662, à l’instar de ses voisins princiers, Louis XIV débute une collection de bronzes modernes et antiques. Quand le fonds est dispersé sous la Révolution, il compte 335 pièces. Pour la première fois depuis 1791, la plupart des quelque 200 exemplaires dont on a gardé la trace sont exposés ensemble. Fruit de recherches conjointes entre trois départements du Louvre, « Les bronzes de la couronne » enchaînent les chefs-d’œuvre avec élégance et cohérence, tout en réservant quelques surprises.
PARIS - Par ses proportions harmonieuses, la finesse des détails incisés et le raffinement des incrustations en cuivre ou en argent, le Mercure réalisé d’après un discophore de Polyclète constitue l’un des fleurons des bronzes antiques du Louvre. L’enlèvement de Déjanire, signé Jean Bologne, offre un même souci des détails, mais tout autre est le frémissement sensuel qui en émane. Cette pièce maîtresse du département des Objets d’art fait vibrer les chairs et les muscles, animés par un tourbillon caractéristique de l’artiste. Un élan vital que l’on retrouve, tout intériorisé, dans le Buste d’Urbain VIII par Bernin, au département des Sculptures. Ces trois chefs-d’œuvre, séparés par plusieurs siècles et conservés dans trois sections différentes du Louvre, se voient réunis le temps d’une exposition, aux côtés d’environ 150 autres “bronzes de la Couronne”, qui ont également fait partie des collections royales.
Archéologie d’une collection
Le parcours suit pas à pas la formation de ce fonds royal, commencé sous Louis XIV sans idée préconçue – le roi ne s’intéressait guère aux bronzes, qu’il recherchait uniquement pour le prestige –, à partir de collections privées déjà constituées. Chaque groupement d’œuvres dessine le profil d’un amateur éclairé : du banquier Everard Jabach au Grand Dauphin, en passant par les très classiques Louis Cauchon d’Hesselin et Le Nôtre, ou le plus éclectique Charles Errard. Cet aperçu du goût sous l’Ancien Régime se prolonge avec une évocation scénographiée de la Galerie des Bronzes du Garde-Meuble, créée à l’intention du public en 1788. Pour la première fois, les œuvres étaient exposées pour elles-mêmes, accompagnées d’un cartel. Néanmoins, on peut voir que la présentation restait plus décorative que scientifique, avec un jeu d’alternance sur la taille et la couleur des pièces.
Trois sections thématiques ponctuent cet historique de la collection, avec une salle consacrée aux bustes, une autre – superbe – à Jean Bologne et ses héritiers, les Susini, les Tacca et Adriaen de Vries, et une troisième aux antiques, copies réduites, pastiches et faux. C’est cette dernière qui réserve le plus de surprises. À côté d’œuvres importantes, comme le Mercure d’après Polyclète ou une figure d’Athlète du Ve siècle av. J.-C. ayant conservé sa patine d’origine, figurent de nombreuses pièces sorties des réserves, dont une trentaine de modernes à la manière antique. “Depuis leur déclassement, elles sont en pénitence, explique l’initiateur de l’exposition, Amaury Lefébure, directeur du Musée national du château de Fontainebleau et ancien conservateur aux Objets d’art. Pourtant ces imitations sont passionnantes. Certaines sont “all’antica”, d’autres volontairement fragmentaires, ont été conçues pour tromper, de façon parfois grossière”. “Il faut dire que les antiques n’étaient guère tenus en estime : le Garde-Meuble a appliqué son numéro d’inventaire sur le devant du manteau dans lequel un enfant est représenté emmitouflé”, ajoute Sophie Descamps, conservatrice aux Antiquités grecques, étrusques et romaines.
C’est cependant grâce à cette numérotation que les commissaires de l’exposition ont pu identifier au Louvre la première œuvre égyptienne entrée dans les collections publiques françaises : une Isis allaitant Horus. D’autres pièces quasiment inédites sont également présentes, tels un Antinoüs du début du XVIIe siècle (collection particulière), un Jason et le dragon, produit à Augsbourg à la fin du XVIe siècle (Musée du Louvre), un Saint Jean-Baptiste enfant couché et une réduction française de l’Apollon du Belvédère, offerts en 1998 par le collectionneur Paul Salmon.
Les panneaux explicatifs sont clairs et rendent accessible un sujet destiné à faire avancer la connaissance – le catalogue recense et dresse l’historique de la totalité des pièces dont l’inventaire de 1791 faisait état. Mais, surtout, la qualité de l’éclairage dans les vitrines et la tonalité chaude des cimaises, aux harmonies de rouge, jaune et gris, transforment la leçon de spécialiste en un régal pour les yeux.
Jusqu’au 12 juillet, Musée du Louvre, tél. 01 40 20 51 51, tlj sauf mardi 9h-21h45. Catalogue RMN, 208 p., 220 ill., 290 F.
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La fine fleur du bronze
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°82 du 30 avril 1999, avec le titre suivant : La fine fleur du bronze