La crème des dessins

Chantilly présente son fonds italien

Le Journal des Arts

Le 20 novembre 1998 - 534 mots

Alors que Paris accueille trois grands maîtres vénitiens – Lorenzo Lotto, Le Tintoret et Tiepolo –, le Musée Condé à Chantilly présente ses dessins des écoles d’Italie du Nord, soit une cinquantaine de pièces. Malgré sa présentation un peu aride, cette exposition scientifique, qui clôt l’étude et la publication du fonds de dessins italiens, ravira les amateurs d’œuvres rares.

PARIS - Cheveux en flammèches, bras levés, un putto ailé court en soulevant derrière lui une draperie. Son corps gracieusement contorsionné, qui semble exécuter quelque danse, est tout à fait caractéristique de la maniera élégante du Parmesan et s’inspire des angelots peints par Michel-Ange à la voûte de la chapelle Sixtine.

Ce petit joyau voisine avec une cinquantaine d’autres dessins, parmi lesquels une magnifique série d’études de Primatice pour les décors du château de Fontainebleau, où l’on retrouve le même allongement des silhouettes, la même exagération du contrapposto et de nombreuses citations de Michel-Ange.

On l’aura compris, le maniérisme émilien – également représenté par Nicolò dell’Abbate et Bertoia – domine cette exposition consacrée aux écoles du nord de l’Italie, qui constitue le troisième volet d’un cycle destiné à étudier, restaurer, montrer et publier le fonds de 2 500 dessins légués par le duc d’Aumale.

Des chefs-d’œuvre disparates
D’autres courants artistiques y figurent néanmoins, mais de manière plus ponctuelle et moins cohérente, qu’il s’agisse des écoles vénitienne, lombarde ou piémontaise. Par rapport aux deux précédentes expositions – l’une centrée sur “Raphaël et son cercle” et l’autre sur Florence et l’Ombrie –, celle-ci paraît assez hétéroclite, passant du Ferrarais Garofalo à Domenico Tintoretto, le fils du Tintoret. Mais si le néophyte risque de se sentir un peu perdu, sans mode d’emploi face à un ensemble aussi divers – la présentation est minimaliste, mais comment pourrait-il en être autrement dans la très belle galerie des Cerfs ? –, l’amateur aura en revanche le plaisir de découvrir quelques authentiques et rares chefs-d’œuvre.

Au rang de ces derniers, on peut compter sans hésiter les élégantes compositions du Parmesan et de Primatice, un monumental Saint Martin à cheval partageant son manteau par Pordenone – au verso duquel les restauratrices du musée ont découvert un dessin inédit –, de gracieuses figures aquarellées de l’atelier de Pisanello et un subtil portrait de Vittore Belliniano par son maître Giovanni Bellini.

En contrepoint, plusieurs œuvres non attribuées présentent une qualité d’exécution qui autorise les spéculations, tels cette Vierge à l’Enfant sur une nuée aux accents schiavonesques, ce Buste d’homme de profil, synthèse de la saveur réaliste bolonaise et du modelé lumineux lombard, ou encore cette pathétique Tête de Christ exprimant la douleur, si proche de certaines compositions de Sebastiano del Piombo.

Enfin, d’autres pièces présentent un intérêt documentaire évident. Ainsi, une esquisse du paysagiste Campagnola prouve que l’artiste exécutait des études préliminaires à ses tableaux, quelques feuilles de Primatice évoquent des décorations perdues, tandis que le modèle de Monument funéraire dessiné par le sculpteur Bambaia se réfère peut-être au tombeau de Gaston de Foix, laissé inachevé.

DESSINS ITALIENS DU MUSÉE CONDÉ, ÉCOLES DU NORD, XVe-XVIe SIÈCLES

Jusqu’au 11 janvier, Musée Condé, château de Chantilly, tél. 03 44 62 62 62, tlj sauf mardi 10h30-12h45 et 14h-17h. Catalogue 200 p., 75 ill. dont 16 ill. couleur, 195 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°71 du 20 novembre 1998, avec le titre suivant : La crème des dessins

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