Le Musée Cernuschi lève le voile sur quelques-unes des plus belles
peintures érotiques chinoises datant du XVIIe au XIXe siècle.
PARIS - Le visiteur pénètre dans l’exposition du Musée Cernuschi tel le voyeur si souvent représenté dans les scènes érotiques chinoises. L’atmosphère tamisée est d’emblée propice à la contemplation. Tous issus de la collection Ferdinand Bertholet, ces rouleaux peints et feuilles d’albums datant du XVIIe au XIXe siècle, très fragiles et rarement exposés, contiennent de beaux exemples de ce thème cher à l’iconographie chinoise, l’érotisme. Rendez-vous intimes, Les Jardins du plaisir ou Plaisirs subtils sont quelques-uns des titres aussi éloquents que délicats donnés à de magnifiques albums, souvent anonymes et peu connus du public.
Désignées par le terme de « Chungong Hua » – « peintures du Palais du printemps », d’où le titre retenu pour l’exposition –, les peintures érotiques chinoises font allusion au gynécée des empereurs Han, lieu qui inspira largement la littérature et la peinture. Le roman érotique connaît un essor en Chine dès le XVIe siècle, alors qu’il s’accompagne de plus en plus fréquemment (album de Wang Sheng, 1595, par exemple) de dessins, gravures ou peintures liés au récit. L’imagerie érotique atteint véritablement son heure de gloire à la fin de la dynastie des Ming (milieu du XVIIe siècle) et sous celle des Qing (1644-1911), lorsque l’illustration se détache du texte pour exister par elle-même, devenant un genre à part entière.
Parfois très crues, les œuvres fascinent par la précision de leur exécution et le souci du détail comme par l’éclat des couleurs, qui témoigne d’un parfait état de conservation. Un soin particulier est apporté aux visages, d’un ovale parfait, et aux silhouettes longilignes, notamment dans la peinture du XVIIIe siècle. C’est un art de lignes et de surfaces, sans volume. L’iconographie et le style sont influencés par Qiu Ying (1494-1552), grand coloriste et artiste réputé, en particulier pour ses copies de peintures Song (Xe-XIIe siècles).
Regard orienté
Scandée en cinq sections, l’exposition montre comment les artistes, d’une imagerie à l’érotisme suggéré, sont passés à des peintures très explicites. Souvent, la scène est entrevue à travers une fenêtre, derrière un paravent ou la végétation d’un jardin, et le regard est clairement orienté vers elle par des jeux de lignes obliques. Le spectateur se retrouve alors dans la situation du voyeur qui surprend un accouplement.
La dernière partie du parcours évoque plus précisément le caractère marial ou illicite des rapports sexuels. De nombreux exemples montrent en effet le fils de la maison avec l’une des concubines de son père, ou le mari se livrant à des ébats avec son serviteur. Les lieux de prostitution sont au cœur des représentations, tout comme les nombreuses scènes homosexuelles – rapportées en particulier dans l’album Frères de la manche coupée, XIXe siècle –, liées à la mode des acteurs travestis et manifestes de l’évolution rapide des mœurs de la Chine des Qing (1644-1911).
Au final, l’exposition présente un large panorama d’un sujet moins souvent étudié dans la peinture chinoise que dans l’art japonais.
Jusqu’au 7 mai, Musée Cernuschi, 7, avenue Vélasquez, 75008 Paris, tél. 01 53 96 21 50, tlj sauf lundi 10h-17h40. Catalogue, coéd. Paris-Musées/Findakly, 256 p., 49 euros, ISBN 2-87900-935-9.
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La Chine de tous les plaisirs
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Abonnez-vous dès 1 €- Scénographie : Bruno Moinard - Surface d’exposition : 300 m2
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°231 du 17 février 2006, avec le titre suivant : La Chine de tous les plaisirs