La châsse au trésor

Et non, la vie d’un trésor n’est pas un long fleuve tranquille. Depuis la prise de Constantinople en 1204, le destin des 22 reliques du Trésor de la Sainte-Chapelle a tout du roman policier. Racheté par Louis XI entre 1239 et 1242, ce précieux ensemble constitué de la fameuse Couronne d’épines, d’un fragment de la Vraie Croix (tous deux conservés aujourd’hui au trésor de Notre-Dame-de-Paris), du lait de la Vierge, des vêtements de l’enfance du Christ et autres reliques capitales, fut progressivement enrichi par les successeurs de saint Louis, de somptueux reliquaires et manuscrits tout aussi rares. C’est pour cet ensemble à l’aura tant politique que religieuse (il scellait le triomphe de la Quatrième croisade et la domination du monde chrétien) que Louis XI fit ériger la Sainte-Chapelle, châsse de verre et de pierre consacrée en 1248.
Cette exposition, en regroupant les fragments épars du plus important des trésors du monde gothique, en trace une histoire en dents-de-scie, entre splendeur et décadence. Pillés sous différents règnes pour renflouer les trésoreries royales, les quelque 116 livres de l’inventaire, la grande châsse, les sculptures, les reliquaires et autres vases liturgiques orfévrés ne sont donc pas tous exposés. Il aura déjà fallu bien des recherches à Jannic Durand et Marie-Pierre Laffitte, les commissaires de l’exposition, pour reconstituer ce phare du monde médiéval, symbole de la puissance de l’Empire chrétien, qu’était le Trésor. Du temps où Paris était considérée comme la nouvelle Jérusalem aux prémices de la Révolution, la Sainte-Chapelle et son inestimable contenu auront subi bien des revers de fortune que cette plongée dans l’Histoire retrace avec une rigueur passionnante.