SPELLO - Pour des raisons pratiques, la rétrospective de la Galerie nationale de l’Ombrie fait l’impasse sur les fresques inamovibles. Certaines sont d’authentiques chefs-d’œuvre de Pinturicchio – la chapelle Eroli du dôme de Spoleto, la bibliothèque Piccolimini à Sienne, l’église Santa Maria del Popolo à Rome. Le décor de la petite chapelle Baglioni, à gauche de la nef de la collégiale de Sainte-Marie Majeure, dans la petite ville de Spello, en est l’illustration parfaite. Triptyque époustouflant, la décoration de cette chapelle fut entreprise par le peintre en quelques semaines, en 1500. Formidablement conservé, malgré quelques dégâts causés par l’humidité, ce décor, restauré depuis, témoigne du talent de l’artiste à son apogée. La technique de la fresque imposant une exécution rapide, la composition élaborée, la finesse de la touche et la foule des détails laissent entrevoir la vitesse impressionnante à laquelle travaillait l’artiste. Revendiquant son exploit, ce dernier s’est représenté dans le premier volet du triptyque, L’Annonciation, manifestement en réponse à son rival le Pérugin, lequel avait quelques mois plus tôt signé de son autoportrait la décoration du collège du Change, situé à deux pas du musée à Pérouse.
Reprenant trois épisodes de la vie de la Vierge, le décor est traversé de réflexions sur l’art et la nature. Celle-ci oscille entre la beauté originelle, celle du monde au moment de sa création divine, et la beauté créée par la main de l’homme, symbolisée par les arbres soigneusement taillés représentés dans l’arrière-plan de Jésus et les docteurs. Mais la nature peut également apparaître sous les traits réalistes et grossiers des personnages, dans L’Adoration des bergers, dotés comme il se doit de verrues et de poils au menton, ou encore par la vision funeste des oiseaux flottant en cercle au-dessus de la ville, dans la partie gauche de Jésus et les docteurs. Encore une fois, Pinturicchio se sert des détails pour étoffer le propos de son œuvre. Le pendu, oscillant sur la droite de la même composition, résume à lui seul le pouvoir décisionnaire de l’homme sur la nature, comme le personnifient les docteurs avec lesquels le jeune Christ s’entretient.
Sur un plan technique, ces fresques sont également l’occasion d’observer les rajouts de plâtre à des endroits très précis afin de donner du relief à la matière picturale, une technique reprise par Rembrandt quelques siècles plus tard. Pour l’impitoyable Vasari, le recours à ce genre de subterfuge n’était que de l’esbroufe propre à épater les petites gens. La virtuosité du geste est pourtant renversante et elle rend d’autant plus touchante la vision de deux fresques du Pérugin, disposée à l’entrée du chœur, de part et d’autre de l’autel de cette même église. Réalisées en 1521, alors que le peintre était âgé de 76 ans, la Pietà avec saint Jean-Baptiste et Marie-Madeleine et la Madone à l’Enfant avec saint Blaise et sainte Catherine d’Alexandrie trahissent une vue affaiblie et un geste manquant incertain. Enfin, signalons l’exposition de la Pinacothèque municipale, dans le Palazzo dei Canonici, adjacent à l’église, « Pinturicchio et les arts mineurs », qui présente l’influence du peintre sur la sculpture, la majolique ou encore le textile.
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La Cappella Bella
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°275 du 15 février 2008, avec le titre suivant : La Cappella Bella