LA BAULE
Le petit-fils du peintre s’est donné pour mission de sortir de l’oubli son grand-père. La Baule présente une partie de la collection familiale.
La Baule, Loire-Atlantique. Une jeune femme rousse de la Belle Époque pose en souriant, une raquette de tennis sous le bras. Sous un vif éclairage, sa robe blanche de mousseline se pare de nuances pastel qui révèlent la transparence du tissu. Portrait de femme, la joueuse de tennis (sans date) est l’œuvre du peintre Jean Sala (1869-1918) et représente son épouse. « Le premier tableau qui m’a été donné par mes parents au cours des années 1970 et qui est venu décorer mes lieux de vie successifs est “La Joueuse de tennis” […] ; ce tableau ne m’a jamais quitté »,écrit Jean-Paul Morin dans la préface du catalogue raisonné de son grand-père maternel. Juan Sala Gabriel est né à Barcelone et s’est installé en France à l’âge de 23 ans environ. Le jeune homme, formé à Barcelone, arrive à Paris pour rejoindre son frère, le peintre Thomas (ou Tomas) Sala-Gabriel, et s’inscrit à l’académie Colarossi. Il expose pour la première fois en 1893 au Salon de la Société nationale des beaux-arts (SNBA).
Ainsi muni du portrait de sa grand-mère maternelle, Fernande, Jean-Paul Morin s’est senti investi d’une mission : « À partir de là, ce fut comme une quête du Graal, une sorte d’investigation policière à la recherche des œuvres et de tous les documents relatifs à Jean Sala. Connu, réputé, admiré de son vivant, j’ai pensé que Jean Sala ne méritait pas l’oubli qui le guettait et qu’il fallait restaurer son image, retrouver son œuvre et la faire connaître. » La vente de l’intégralité du fonds d’atelier en 1918 et la destruction – pour des raisons inconnues – de toutes les archives qu’aurait pu conserver la famille, puis le décès de sa grand-mère en 1954 ont contraint le petit-fils à entreprendre les recherches en partant de zéro. Après la publication, en 2009, du catalogue raisonné établi par Mireille de Lassus et la mise en ligne d’un site Internet, Jean Sala sort définitivement de l’oubli grâce à l’exposition d’une partie de la collection familiale, présentée dans un musée de la ville de La Baule où il a séjourné au début du XXe siècle à l’invitation de la famille Lefèvre-Utile.
Dans le catalogue raisonné, l’historien de l’art Dominique Lobstein décrit un artiste « parisien espagnol, hanté par certaines figures tutélaires de ses origines […]. L’Espagne personnelle mais mythique que peint Sala est celle des descendantes de Carmen qui vivent sans contrainte ». Il est à d’autres moments le créateur « de languides beautés affublées de quelques vertus allégoriques ou mythologiques » et un portraitiste mondain recherché. À côté de scènes de genre réalistes, on trouve aussi dans sa production des œuvres historicistes qui se transformeront en chromos pour la publicité. Sa marque est « un évident goût pour la couleur et les accords chromatiques ». Parmi la soixantaine d’œuvres présentées, toutes ces inspirations apparaissent, construisant la figure d’un artiste doué, remarquable et parfois exubérant coloriste, mais aussi soucieux, en bon professionnel, de répondre par ses sujets aux attentes du public. On découvre enfin un paysagiste inspiré, l’un de ses talents les plus séduisants aujourd’hui.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°615 du 7 juillet 2023, avec le titre suivant : La Belle Époque de Jean Sala