De Sam Samore, nous ne connaissons pas grand chose. Tout juste apprend-on que cet artiste américain vit à New York. À Tours, il présente l’ensemble le plus important jamais réuni en France de photographies, vidéos et textes, représentatifs d’une démarche qui questionne le statut de l’image (mentale).
TOURS - Non, le CCC de Tours n’a pas été transformé en jardin intérieur, comme pourrait le laisser penser les arbustes qui ont été disposés à l’entrée du centre d’art. En écartant les branches, le visiteur accède à un petit îlot de verdure, Forest of Pathological Dreams, un espace propice et un peu irréel où l’on découvre ou redécouvre quelques vidéos de Sam Samore. Ce dernier prend un malin plaisir à brouiller les cartes, à nous conduire les yeux fermés vers de nouvelles surprises, jusqu’au cœur de son monde poétique. Ses Path of Solitude, des textes, plutôt des mots, écrits sur quelques vitres participent de la même logique : “Le vide” ; “Maison. Fantôme”. Ils renvoient également aux contes pour enfants, histoires souvent cyniques, toujours étranges que l’artiste diffuse régulièrement, à l’exemple du soir du vernissage tourangeau. Confortablement installés sur le Magic Bed, un lit gigantesque qui permet, dans la dernière salle, de visionner d’autres vidéos, les visiteurs ont pu se laisser conduire par la voix de Gérard Hardy au gré de ces petits récits.
À côté de leur univers décalé, ces contes nous renvoient aussi à une tradition orale qui, par nature, dépasse généralement la notion même d’auteur. Sam Samore a travaillé dans cet esprit pour nombre de ses séries photographiques, utilisant des clichés qu’il n’a pas lui-même réalisés. À partir du matériel mis à sa disposition, il a alors fait son propre montage, découpant puis collant, agençant à sa manière les figures pour construire de nouvelles histoires. Tirant les enseignements de cette approche cinématographique, il est passé derrière l’objectif pour ses Allegories of Beauty (incomplete). Soignant le cadrage et la lumière, l’artiste s’est ici attaché à réaliser de belles images, des clichés séduisants qui jouent à la fois sur une esthétique cinématographique et la notion de photo volée. Loin de ces grands tirages, l’Américain expose dans une autre salle, qui paraît de prime abord vide, de minuscules clichés perdus dans cet espace, du coup hors d’échelle. Samore qualifie d’ailleurs cette série d’“expérience phénoménologique, influencée par le minimalisme, sur le processus d’interaction entre l’objet et le regardeur qui, du fait de sa singularité, partage quelque chose de privé avec l’objet” (in Blocnotes, n° 16, hiver 1999) . Le nez collé à l’image, le visiteur se retrouve en effet dans une position originale. En contre-pied, les séries Lips ou Oasis isolent des fragments de corps, lèvres, pieds ou torses. L’image atteint alors une présence physique inédite, tout en s’approchant d’une certaine universalité. Et pas seulement pour le plus grand plaisir des yeux.
Jusqu’au 30 mai, CCC, 53-55 rue Marcel-Tribut, 37000 Tours, tél. 02 47 66 50 00, du mercredi au dimanche 15h-19h.
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La beauté en allégorie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°81 du 16 avril 1999, avec le titre suivant : La beauté en allégorie