2010 est l’année Chopin. À l’occasion du bicentenaire de sa naissance,
le compositeur est à l’honneur dans deux musées parisiens.
PARIS - « J’ai dit qu’il se livrait rarement ; mais au piano il le faisait plus complètement que je ne l’ai jamais plus entendu chez aucun autre musicien. Il se donnait dans un état de concentration tel que toute pensée étrangère disparaissait. Personne n’a jamais mû de la sorte les touches d’un piano ; personne n’a su en tirer les mêmes sonorités, nuancées à l’infini », écrit le compositeur allemand Ferdinand Hiller (1811-1885), ensorcelé par le talent de son ami Frédéric Chopin.
Né en Pologne en 1810 et exilé à Paris à vingt et un ans, après un passage par Berlin et Vienne, Chopin le pianiste et compositeur virtuose avait trouvé, dans la capitale française, le cadre idéal pour son épanouissement artistique. Il y est resté jusqu’à sa mort, prématurée, le 17 octobre 1849. Le Paris des années 1830 baigne dans le romantisme littéraire et musical : le piano y est à son apogée, les facteurs Érard et Pleyel font fortune, les cercles de la haute bourgeoisie résonnent de nouveaux airs à la mode, l’élite artistique est en ébullition…
Chopin s’inscrit très facilement dans ces salons qu’il préfère aux intimidantes salles de concert ; une vie mondaine cristallisée par sa rencontre avec George Sand, en 1836, chez son ami et « rival » Franz Liszt.
En cette année de bicentenaire, l’hommage parisien à Frédéric Chopin coule de source. Outre une programmation musicale soutenue dans les salles de la capitale, deux expositions évoquent les années parisiennes du compositeur. Réalisée en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France, l’exposition du Musée de la musique dresse un portrait du compositeur à travers ses œuvres et sa passion pour le piano, tout en évoquant l’émulation musicale de l’époque.
Spécialité du musée oblige, le parcours, parfaitement accessible au néophyte, aborde toutes les spécificités du musicien, à grands renforts de partitions, d’extraits fournis grâce à des audioguides et, bien entendu, des pianos. Citons notamment un piano à queue John Broadwood & Sons (1847), sur lequel Chopin a joué lors de concerts londoniens en 1848, que les visiteurs peuvent entendre résonner lors de récitals le samedi de 15 h à 16 h 45. Les beaux-arts ne sont pas en reste avec une jolie série de statuettes à charge, caricaturant Liszt, Paganini et Thalberg par Jean-Pierre Dantan, ou un Portrait de Chopin en Dante par Delacroix.
Sis à l’hôtel Scheffer-Renan où Chopin « se rendait en voisin et ami », le Musée de la vie romantique joue, quant à lui, sur les correspondances entre arts visuels et musique. Quel meilleur point de départ que la « note bleue » de Chopin, cette note qui reflétait au mieux l’atmosphère du début de soirée, au cours de laquelle le pianiste se laissait aller à l’improvisation entouré de ses proches ? Ces derniers y sont très présents au long du parcours, où figurent le célèbre portrait de George Sand par Auguste Charpentier ainsi que le portrait de la cantatrice Pauline Viardot, récemment acquis par le musée. La poésie musicale de Chopin est, elle, évoquée au travers de paysages de Corot, Huet et Cuisin.
Deux lieux, deux ambiances
Bien sûr, les deux expositions font parfois doublon en abordant des thèmes similaires, car incontournables, comme les amis et les salons que fréquentait Chopin, ou encore l’emprise de la Russie sur la Pologne – en témoigne l’esquisse d’Un concert dans un salon parisien d’Eugène Lami au Musée de la musique, dont une très belle version achevée est présentée au Musée de la vie romantique. Mais les ambiances ne sont pas les mêmes : l’hôtel Scheffer-Renan mise sur « l’incarnation » et sur l’intime, et le musée de la Porte de Pantin favorise les aspects techniques du sujet. Visuellement comme musicalement, Chopin y est plus vivant que jamais.
CHOPIN À PARIS. L’ATELIER DU COMPOSITEUR, jusqu’au 6 juin, Musée de la musique, 221, avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris, tél. 01 44 84 44 84, www.citedelamusique.fr, du mardi au samedi 12h-18h, vendredi 12h-22h, dimanche 10h-18h
FRÉDÉRIC CHOPIN. LA NOTE BLEUE. EXPOSITION DU BICENTENAIRE, jusqu’au 11 juillet, Musée de la vie romantique, hôtel Scheffer-Renan, 16, rue Chaptal, 75009 Paris, tél. 01 55 31 95 67
www.vie-romantique.paris.fr, tlj sauf lundi et jours fériés 10h-18h, jeudi 10h-20h.
Catalogue, éd. Paris-Musées, 206 p., 30 euros, ISBN 978-2-7596-0120-2
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Kind of blue
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €CHOPIN À PARIS
Commissaires : Jean-Jacques Eigeldinger, professeur à l’université de Genève ; Thierry Maniguet, conservateur au Musée de la musique ; Cécile Reynaud, conservatrice à la Bibliothèque nationale de France
FRÉDÉRIC CHOPIN
Commissariat : Daniel Marchesseau, directeur du Musée de la vie romantique, avec Jérôme Godeau et Solange Thierry
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°323 du 16 avril 2010, avec le titre suivant : Kind of blue