Kapwani Kiwanga entre transparence et opacité

Les aficionados du centre d’art se souviennent encore avec précision – et émotion – de l’intervention de certains d’entre eux, de Richard Serra à Leonor Antunes. Il faut dire que l’histoire du lieu et son échelle monumentale constituent une sacrée gageure. Pas de quoi effrayer toutefois Kapwani Kiwanga, qui a accepté l’invitation de Sandra Patron, la directrice de l’établissement. La plasticienne ne craint pas ce genre de défi, comme l’a récemment montré son installation lors de la dernière Biennale de Venise. Pourtant, c’est avec une forme de réserve, comme le suggère le titre de son exposition, « Retenue », qu’elle a abordé cette installation. La polysémie de cet intitulé renvoie autant à ce qui reste non dit, qu’aux eaux fluviales souterraines qui irriguent la ville. Kapwani Kiwanga a joué avec cette présence de l’eau, qu’elle fait courir en filets invisibles le long de cordages bleu indigo, une couleur renvoyant au passé de cet ancien entrepôt de denrées coloniales. Nourrie de références socioculturelles, comme toujours dans son travail, sa proposition reste par ailleurs minimale, et abstraite dans sa forme : de lourds rideaux de cordages sont placés entre les arches. Ce langage visuel géométrique se double d’une bande-son liquide et des vibrations optiques produites par la trame des cordes dans la lumière. Contemplatif, ce dispositif place le spectateur au centre de l’œuvre. Celle-ci s’envisage également en surplomb depuis les galeries, incitant alors à prendre le temps de ressentir et de comprendre ce geste venu en douceur transformer l’espace.