Hollandais de naissance mais Français d’adoption, Jongkind bouleversa la peinture moderne de paysage et influença Boudin et Monet. Deux expositions lui rendent hommage à Paris.
PARIS - Par un heureux hasard, des tableaux d’Isabey, de Corot et des peintres de Barbizon – qui furent autant de références pour le jeune Johan Barthold Jongkind (1819-1891) – bordent l’entrée de l’exposition que le Musée d’Orsay consacre à l’artiste hollandais. Une entrée en matière opportune, avant de parcourir les grandes étapes de la carrière de Jongkind, précurseur reconnu mais aujourd’hui quelque peu oublié de l’impressionnisme. Première du genre, cette rétrospective monographique – dont l’initiative revient à John Sillevis, conservateur au Gemeentemuseum de La Haye et spécialiste de l’artiste – se propose de le rappeler à travers une quarantaine de peintures et autant de dessins et d’aquarelles. Efficace, le parcours parisien s’attache aux différents lieux qui inspirèrent le peintre. De la Hollande, son pays natal, au Dauphiné, son ultime région d’adoption, en passant par Paris et la Normandie, tous les thèmes abordés par Jongkind sont illustrés. Ce découpage permet en outre de confronter des paysages issus d’une même famille géographique mais exécutés à des années de distance. Près de vingt ans séparent ainsi la Scène d’hiver en Hollande (1846), romantique paysage animé de patineurs, encore sous l’emprise de la tradition hollandaise, de Clair de lune à Rotterdam (1873), grande toile à la touche fragmentée et empâtée, de sensibilité impressionniste.
Sobre, l’accrochage s’efface derrière les œuvres, judicieusement accompagnées de citations de contemporains. Mieux qu’aucun texte, ces extraits de Signac, Zola, Boudin ou Monet permettent en effet d’évoquer la personnalité artistique de Jongkind, et de comprendre l’influence qu’il exerça sur la peinture française de l’époque. Ce « grand gars, au long corps osseux et dégingandé, aux allures un peu gauches », pour reprendre la description de Signac, fut en effet, avant même Boudin auquel on attribue traditionnellement ce rôle, le « rénovateur du paysage moderne » (Paul Signac, Jongkind, Paris, 1927). « C’est à lui que je dus l’éducation définitive de mon œil », dira même Monet.
En témoignent ses marines et paysages au clair de lune, mais aussi ses vues d’un Paris banal et moderne – « il a compris le Paris pittoresque jusque dans ses décombres », écrivit Zola – comme ses peintures lumineuses de la côte normande. Encore plus spontanées sont ses aquarelles, présentes dans l’exposition d’Orsay mais aussi dans celle, plus modeste, de l’Institut néerlandais. À l’inverse de ses tableaux, souvent réalisés de mémoire, ces compositions de premier jet ont été croquées « sur le motif ». Support des impressions les plus fugitives, elles séduisent par leur fraîcheur et leur légèreté. « Plus on regarde ses aquarelles, plus on se demande comment cela est fait ! C’est fait avec rien, et pourtant la fluidité et la densité du ciel et des nuages y sont traduites avec une précision inimaginable », résuma à la perfection Boudin.
- JONGKIND 1819-1891, jusqu’au 5 septembre, Musée d’Orsay, 62, rue de Lille, 75007 Paris, tél. 01 40 49 48 14/48 48, www.musee-orsay.fr, tlj sauf lundi, 9h-18h, jeudi 10h-21h45. Catalogue éd. RMN, 232 p., 40 euros ; Le Petit Journal des expositions, 3 euros. - JONGKIND INTIME, DESSINS, ESTAMPES ET LETTRES DE JONGKIND, jusqu’au 18 juillet, Institut néerlandais, hôtel Turgot, 121, rue de Lille, 75007 Paris, tél. 01 53 59 12 40, tlj sauf lundi, 13h-19h. Catalogue éd. Fondation Custodia, 70 p., 15 euros.
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Jongkind, aux sources de l’impressionnisme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°196 du 25 juin 2004, avec le titre suivant : Jongkind, aux sources de l’impressionnisme