Jean Puy, un peintre divisé

Derain, Marquet, Matisse : autant d’amis proches pour un peintre dont les toiles se vendaient au début du XXe siècle plus cher que celles du jeune Picasso. Remarqué au Salon d’automne de 1905, représenté par le marchand Ambroise Vollard vingt ans durant, il se fait plus discret au retour du front de la Première Guerre mondiale puis rentre dans sa ville natale de Roanne à la veille de la Seconde, fuyant un Paris auquel il ne s’est jamais fait. Il aura souvent séjourné en Bretagne, où il peint les marines venteuses de Belle-Île, les arbres gonflés comme des bourrasques sur les bords de l’Odet. Des lieux qu’il préfère à une Provence jugée indolente. La rétrospective qui se tient dans les salles historiques du château des ducs de Wurtemberg reprend cette chronologie. Elle dévoile une œuvre au carrefour des influences : de la juxtaposition des couleurs pures du divisionnisme, de l’éclat indécent des paysages fauves, de l’empâtement inspiré de Van Gogh. Les nombreux nus et portraits tracent le cheminement d’un peintre tiraillé entre la couleur vitale et le recueillement. Les femmes fortes et frontales se muent petit à petit en figures aux visages effacés, installées dans des salons qui semblent à l’abri du temps. Quelques correspondances épistolaires ainsi que des illustrations satiriques de Jean Puy complètent cette exposition riche de cent quarante et une toiles, issues en grande partie de collections particulières.