Autour de l’œuvre complet de l’orfèvre, le Musée des Arts décoratifs, à Paris, réunit quelques-uns des joailliers les plus novateurs du début du XXe siècle.
PARIS - Une exposition, deux parcours, quatre commissaires. Tandis que la grande nef du Musée des arts décoratifs, à Paris, est consacrée à l’ensemble de l’œuvre de l’orfèvre Jean Després (1889-1980), une enfilade de salles annexes complète le parcours en présentant les bijoux de ses contemporains, du début du XXe siècle. Ce qui les unit : leur modernité. Parallèlement au destin particulier de Després, l’exposition « Bijoux, art déco et avant-garde » présente le foisonnement créatif dans les arts décoratifs durant l’entre-deux-guerres.
Les raisons de ce choix muséographique sont données par Évelyne Possémé, conservatrice en chef du département Art nouveau-Art déco du musée et co-commissaire de l’exposition : « Melissa Gabardi est la spécialiste de Jean Després. Il y a dix ans, elle a publié en Italie une monographie de l’artiste qui n’a pas été traduite en France. Préparer une exposition a permis d’éditer et de faire connaître ses recherches. Et a aussi été l’occasion de présenter cette modernité dont s’emparent les arts décoratifs à cette époque. » Depuis la première édition de sa monographie jusqu’à cette exposition, Melissa Gabardi, co-commissaire, est entrée en contact avec les collectionneurs privés de Després, dispersés dans le monde. Elle a ainsi pu rassembler le corpus complet de son œuvre. La scénographie, par souci de cohérence, met en valeur la production Art déco de l’orfèvre, et plus singulièrement ses « bijoux moteurs ».
à ce titre, sa Broche vilebrequin, son Bracelet came et sa Bague moteur sont emblématiques. Marqué par les progrès de l’industrie et sa formation de dessinateur de moteurs d’avion, Després reflète dans son œuvre l’aspiration à la modernité de toute une époque. Animée par le rythme effréné de la ville, influencée par les avant-gardes cubiste et futuriste, cette esthétique touche alors de nombreux bijoutiers, joailliers et orfèvres qui participent au Salon de l’Union des artistes modernes (UAM). Ce foyer d’expérimentation (que l’orfèvre ne fréquente que ponctuellement) est caractérisé par une véritable surenchère en matière d’innovation. Si Gérard Sandoz recherche, par la superposition de matières, de nouveaux effets de reliefs et de contrastes, Raymond Templier, lui, crée sur ses broches des courbures concaves afin de multiplier l’éclat lumineux de la pierre déposée au centre. Morceau d’excellence : le coffret d’Andy Warhol conçut par Dusosoy, qui reprend l’idée des broches en clip lancée par Cartier et développe un jeu de bijoux modulables. Aussi esthétiques qu’astucieuses, les expérimentations techniques sont de mise pour répondre au goût des milieux d’intellectuels, d’artistes et de vedettes. Si le public visé est essentiellement féminin, ce n’est qu’à la fin des années 1930 que le métier lui-même se féminise. Courbant les lignes, arrondissant les volumes, une autre modernité se formule, celle des femmes en quête d’émancipation.
Prologue à un pèlerinage dans la ville de Rennes et en Bretagne, l’exposition « Odorico, mosaïstes et art déco », aux Champs libres, à Rennes, séduira même les visiteurs les moins férus de mosaïque. Valoriser l’héritage de cette entreprise d’origine italienne, familiale sur les deux premières générations puis relayée par des mosaïstes qui en perpétuèrent le goût, telle est l’ambition de la commissaire Fabienne Martin-Adam, spécialiste du sujet : « Odorico nous permet de voir l’évolution du goût sur presque un siècle. (…) Ils ont assimilé la culture Art déco – le fils surtout – et l’ont réinventée pour se créer un style propre. C’est ce qui fait leur singularité dans le milieu des mosaïstes. » L’effort scénographique s’y déploie selon la volonté pédagogique du centre rennais : dessins, cartographie, panneaux s’agrémentent d’une remarquable mise en scène ludique (reconstitutions, écran tactile, etc.). L’exposition attise la curiosité et invite à aller admirer en ville l’immeuble Poirier et la piscine Saint-Georges, tous deux réalisés par Odorico. Les plus enthousiastes pousseront jusqu’à Angers pour voir de plus près la célèbre Maison bleue.
« Odorico, mosaïstes Art déco », jusqu’au 3 janvier 2010, Musée de Bretagne-Les Champs libres, 35000 Rennes, tél. 02 23 40 66 00, www.musee-bretagne.fr
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Jean Després bien entouré
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Abonnez-vous dès 1 €BIJOUX, ART DÉCO ET AVANT-GARDE, JEAN DESPRÉS ET LES BIJOUTIERS MODERNES, jusqu’au 12 juillet, Musée des arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 84, www.lesarts decoratifs.fr, tlj sauf le lundi. Catalogue Norma, 254 p., 55 euros, ISBN 978-2-915542-20-2
Melissa Gabardi, Jean Després, bijoutier et orfèvre entre art déco et modernité, coéd. Les Arts décoratifs/Norma, 248 p., 55 euros, ISBN 978-2-9155-4219-6
BIJOUX, ART DÉCO ET AVANT-GARDE
Commissaires : évelyne Possémé, conservatrice en chef au Musée des Arts décoratifs ; Laurence Mouillefarine, journaliste ; Melissa Gabardi, historienne de l’art ; Dominique Forest, conservatrice en charge du département moderne et contemporain du Musée des Arts décoratifs
Scénographie : Brigitte Fryland, Marc Barani
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : Jean Després bien entouré