Véritable manifeste politique pour une gestion raisonnée et inventive de la Terre, le « Jardin planétaire » du paysagiste Gilles Clément s’inscrit dans la lignée des grandes expositions de La Villette. Spectaculaire et pédagogique, ce tour du monde en 3 000 m² est également l’occasion d’une réflexion sur les limites d’une exposition.
PARIS - Pourquoi y a-t-il des dindons sur l’île Maurice ? À cause des dodos. Aussi absurde que puisse paraître un tel dialogue, il est pourtant au centre des démonstrations du “Jardin planétaire”. Oiseau aujourd’hui disparu, le dodo avait entraîné dans son extinction le bois de fer, variété d’arbre dont les graines devaient transiter par le tube digestif du volatile pour germer. Importé d’Amérique du Nord par l’homme, le dindon a fait office de remplaçant. Cette rencontre improbable de deux espèces, distantes de 20 000 km, illustre à merveille un des principes édictés par Gilles Clément : “faire “avec” le plus possible, “contre” le moins possible”. Tout au long de l’exposition, le paysagiste et romancier impose sa vision du monde, celle d’un terrain clos où l’homme se doit d’agir en jardinier attentif aux bouleversements qu’il est susceptible d’engendrer.
Plongé dans cette “leçon de choses”, le visiteur ne pourra qu’adhérer à cette hypothèse humaniste. Pédagogique, l’exposition est basée sur le couple nature/culture. À la diversité des plantes et des animaux répond celle des hommes. Puis, au brassage provoqué par les voyageurs botanistes vient en écho celui produit par l’eau et le vent, et une rizière s’oppose à une tourbière, au centre de l’espace. Plus qu’en jardin, les 3 000 m2 de la Grande Halle de La Villette se transforment alors en un gigantesque zapping : les Aborigènes à côté des Hopis à deux vidéos des Dogons et voisins de la foi chrétienne d’Hildegarde de Bingen. Les dix établis d’expérimentation proposés au visiteur dans la seconde partie obéissent au même principe : les filets d’eau de Chugungo, au Chili, les “éco-cycles” de Stockholm... autant de solutions locales pour un problème global.
Si la scénographie et le mobilier muséographique de Raymond Sarti réussissent à multiplier les parcours et les niveaux de lecture pour adultes et enfants, ils n’échappent malheureusement pas à l’esthétique “nature et découverte” redoutée pour un tel sujet. Une rizière de 80 m2, des bambous de 12 m de haut, une tourbière de 120 m2, et 400 m2 d’herbes géantes, c’est beaucoup pour une exposition, mais peu pour une planète. Le gigantisme du “Jardin planétaire” prouve en définitive que l’exposition n’est pas un mode de présentation mais une représentation du monde, au même titre que la peinture ou le cinéma. À choisir, la manifestation conçue par Gilles Clément s’apparenterait plutôt à une navigation sur l’Internet, la nature y devenant presque virtuelle.
Jusqu’au 21 janvier, Grande Halle de La Villette, 75020 Paris, tlj sauf lundi 10h-18h, samedi et dimanche 11h-19h. Catalogue, Albin Michel, 128 p., 150 F. ISBN 2-226-11152-2.
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Jardinage global
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°89 du 24 septembre 1999, avec le titre suivant : Jardinage global