Richard Baquié a développé, dans le contexte de la fin des années quatre-vingt et du début des années quatre-vingt-dix, une œuvre tout à fait singulière. Disparu en 1996, il fait l’objet d’une première grande rétrospective cet été au Capc-Musée d’art contemporain de Bordeaux. Parallèlement, l’Américain Jack Pierson expose quelques-unes de ses œuvres récentes.
BORDEAUX. Disparu prématurément en 1996, à l’âge de 44 ans, Richard Baquié a développé une œuvre cohérente, fruit d’une étrange et riche alchimie. Ses installations, réalisées à partir de différents éléments industriels recyclés et assemblés, fonctionnent comme des allégories à un déplacement, à un voyage imaginaire, qui s’auto-alimentent de ce qu’elles ambitionnent justement de dépasser. Profondément ancré dans son époque quand il n’est pas prémonitoire, cet univers n’est pas sans connexion avec celui d’un Mad Max ou du film de Cronenberg, Crash.
Romantisme fin de siècle
Paradoxalement, ces œuvres, qui jouent sur les notions de vitesse, de fuite, de circulation, sont les témoins bricolés d’une modernité qui s’effrite, d’une société qui se liquéfie. Cette position lucide sur l’évolution du monde qui nous entoure n’offre comme alternative qu’un ultime recours à l’évasion, qu’un ailleurs renaissant de ses propres entrailles. Foncièrement urbaine, l’œuvre de Richard Baquié apparaît alors comme un recyclage dans le sens propre du terme, qui repart pour un tour en redistribuant les cartes à l’horizon d’un combat illusoire, puisque seuls semblent subsister quelques pavés pour atteindre la plage. En 1987, le ministère de la Culture lui commande L’Aventure, pour le treizième arrondissement de Marseille. Installée en 1988 dans ce quartier nord de la ville, la pièce est rapidement détériorée, avant d’être détruite dès 1989, victime d’une guérilla urbaine assumée. Baquié déclare alors que "la destruction (...) me satisfait totalement, non que je la souhaitais, mais elle est la démonstration de l’illusion de la pérennité dans laquelle on baigne". Cette "fragilité" se retrouve encore dans Situation du vent III, un avion réalisé à partir de sacs en plastique de supermarchés, qui témoigne également du souffle omniprésent qui anime son œuvre. Ce fragile équilibre est retranscrit textuellement dans certaines de ses créations, témoins de doutes et/ou de spleen, d’un romantisme Fin de siècle. À partir d’une contemporanéité en kit, Baquié distille ses messages comme autant d’Instants de doute. Exposé en même temps que le Marseillais, l’Américain Jack Pierson le rejoint dans ses pièces récentes, étonnantes séries d’enseignes colorées aux messages guère plus positifs, telle Despair/Desire. Pierson, dont les images et les textes cultivent la sensualité et la délicatesse, bénéficie à Bordeaux de sa première exposition personnelle dans un musée français. Il présente en outre un ensemble de photographies légèrement floues et aux couleurs acides, des images saturées de lumière qui évoquent irrésistiblement le rêve et le désir.
RICHARD BAQUIÉ 1952-1996, RÉTROSPECTIVE ; JACK PIERSON, jusqu’au 28 septembre, Capc-Musée d’art contemporain, l’Entrepôt, 7 rue Ferrère, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 00 81 50, tlj sauf mardi 12h-18h, mercredi 12h-22h.
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Invitations au voyage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°42 du 29 août 1997, avec le titre suivant : Invitations au voyage