Après Bâle au printemps, la Tate Britain dévoile le second volet de la grande rétrospective du peintre.
LONDRES - Holbein-le-Jeune (vers 1497/1498-1543) incarne la figure de l’artiste itinérant, en quête d’un protecteur, dans une Europe alors agitée par les troubles de la Réforme. Après les prolifiques années bâloises (lire le JdA no 235, 14 avril 2006), le peintre s’installe à Londres sur les conseils d’Érasme et de Thomas More, alors qu’il avait tenté sans succès sa chance auprès de François Ier, plus sensible aux séductions italiennes que nordiques. Ses années londoniennes se partagent en deux temps : un premier séjour entre 1526 et 1528 puis un second, définitif, à partir de 1532, dernière période au cours de laquelle Holbein accède aux commandes de l’impétueux roi Henri VIII.
Si elle bénéficie d’un accrochage plus aéré que la présentation serrée du Kunstmuseum de Bâle, cette exposition offre en revanche une vision plus attendue de l’art du peintre, et l’on regrettera que le chef-d’œuvre de cette période, Les Ambassadeurs (1533), n’ait pas été déplacé de la National Gallery pour l’occasion – ou que l’exposition ne soit pas venue à lui. Si, à Bâle, le visiteur avait pu découvrir le talent protéiforme d’Holbein dont la première manière hésitait entre italianisme et naturalisme flamand, il retrouvera à Londres le pan le plus notoire de sa production de portraitiste. Qu’ils soient miniaturisés ou de très grand format, les portraits d’Holbein relèvent toujours d’une extraordinaire capacité d’individualisation des modèles, sans aucune concession. Abandonnant les fonds d’architecture de ses débuts au profit d’un arrière-plan d’un bleu profond, Holbein excelle dans cet art qui draine vers lui une clientèle d’amateurs. Pour le roi d’Angleterre, il met cependant au point une image idéalisée, dans laquelle le monarque – qui signa en 1534 l’acte de Suprématie entérinant la naissance de l’Église anglicane – figuré en pied et de face, presque « priapique », manifeste son autorité, dans une formule proche de celle des Clouet. La présentation des dessins préparatoires à l’exécution de quelques-uns de ces portraits révèle par ailleurs la technique d’Holbein, prodigieux dessinateur, qui transposait ses esquisses directement sur la toile, afin de gagner en rapidité.
Entré au service de sa Majesté pour qui il dépeint, à travers l’Europe, toutes les prétendantes possibles au mariage, Holbein devient un artiste de Cour, orchestrant les décors royaux et dessinant des pièces d’orfèvrerie ou de joaillerie (toutes disparues), qui introduisent en Angleterre le répertoire décoratif de la Renaissance. Autre temps fort de cette exposition : la découverte de quelques rares dessins préparatoires pour les grands décors peints à Londres. Ainsi de l’unique feuille conservée témoignant de l’ensemble commandé par la communauté des marchands de la Hanse, l’allégorie du Triomphe des riches (vers 1533-1535), qui avait été conçue en pendant d’un Triomphe des pauvres (décors détruits par un incendie en 1752). Ce précieux dessin du Musée du Louvre témoigne de la capacité du portraitiste à traiter des scènes plus denses. Nul doute que la crise iconoclaste, qu’Holbein avait fui à Bâle et qui ne va pas tarder à s’abattre sur l’Angleterre, l’aura empêché d’occuper la place qu’il méritait sur la scène artistique européenne.
Jusqu’au 7 janvier 2007, Tate Britain, Millbank, Londres, tél. 44 20 7887 8888, tlj 10h-17h40, www.tate.org.uk. Cat. 192 p., env. 30 euros, ISBN 1-85437-645-4
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Holbein l’Européen
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires : Susan Foister, conservateur à la National Gallery. - Nombre de salles : 9 - Nombre d’œuvres : 68
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : Holbein l’Européen