Centre artistique et intellectuel important, la cité suisse fut aussi un foyer de la Réforme qui, en raison de son hostilité à l’égard des images, incita Hans Holbein le Jeune à partir pour l’Angleterre.
Encore aujourd’hui, il existe une ambiguïté autour d’Holbein le Jeune. Et celle-ci explique peut-être la faiblesse de la production éditoriale le concernant.
Holbein échappe en effet aux classifications habituelles. Doit-il être considéré comme un peintre allemand, suisse ou anglais ? Faut-il interpréter son départ de Bâle comme une fuite du protestantisme ou comme une volonté d’échapper aux troubles (nuisibles à sa carrière) provoqués par ce schisme ?
Apprentissage et métissage
L’étude de sa période d’activité bâloise et notamment de ses années de formation en révèle peut-être plus sur l’artiste que les portraits convenus qu’il a multipliés à la cour des Tudor.
Quoi de plus légitime, par ailleurs, pour le Kunstmuseum de Bâle que de rendre hommage à celui qui, jusqu’à sa mort, se désigna comme un « citoyen de Bâle » même s’il refusa, en 1538, de devenir peintre officiel de la ville.
Les Bâlois ne lui en ont pas tenu rigueur puisque c’est encore dans leur cité que l’on trouve le plus bel ensemble de son travail, dont la majeure partie a été acquise dès 1661. À cette date, les édiles approuvaient en effet le rachat de la collection Amerbach, que plusieurs grands collectionneurs européens, dont Catherine de Suède, convoitaient de longue date.
Fils d’un jurisconsulte proche des humanistes et d’Érasme puis collectionneur lui-même, Basilius Amerbach (1533-1591) était détenteur de plusieurs tableaux d’Holbein, issus de la collection familiale ou achetés par ses soins. D’autres dons et acquisitions sont venus depuis enrichir ce prestigieux ensemble.
Complétée par des prêts des grandes institutions européennes, l’exposition évoque avec brio ce qui subsiste de cette première période d’activité, qui fut aussi l’une des plus polymorphes.
Fils du peintre Hans Holbein l’Ancien qui le forme avec son frère Ambrosius, Holbein le Jeune passe son enfance à Augsbourg, l’une des villes allemandes les plus dynamiques du siècle.
À l’âge de 17 ans, en 1515, il arrive à Bâle en compagnie de son frère. Rapidement, il décroche la commande de l’un de ses premiers portraits, celui du bourgmestre Jakob Meyer zum Hasen et de sa seconde épouse. Représentés de trois quarts dans la grande tradition du portrait flamand, les deux personnages prennent place dans un cadre d’architecture à l’antique dont la perspective est encore maladroite.
Ce portrait constitue le point de départ d’une importante production au service de la bourgeoisie marchande locale, qui perdurera jusqu’à son premier départ pour l’Angleterre en 1526.
Il fuit le protestantisme
Autre pan méconnu de son travail d’alors : le décor de façades de maisons à Bâle et à Lucerne, réalisées parfois en collaboration avec son père, puis celui de la salle du Grand conseil de l’Hôtel de Ville de Bâle. Aucun de ces décors n’est hélas parvenu jusqu’à nous.
Durant les années 1520, avant que la Réforme ne s’impose, Holbein multiplie les sujets religieux : le Christ mort, huit scènes religieuses représentant la Passion du Christ (dont seules La Cène et La Flagellation seraient de sa main), volets de l’orgue de la cathédrale de Bâle... Ces quelques œuvres ont été sauvées de la fureur des iconoclastes, pour certaines grâce aux Amerbach.
Au cours de cette période, Holbein côtoie aussi Érasme dont il exécute plusieurs portraits en 1523. C’est l’auteur de l’Éloge de la Folie, prêtre catholique humaniste qui annonce les préoccupations de Luther dans sa volonté d’un retour aux textes, qui incitera Holbein à quitter Bâle quand les réformés s’imposeront.
Si les convictions religieuses du peintre sont mal connues, il semblerait en effet qu’Holbein n’ait jamais adhéré aux thèses protestantes. En Angleterre, il rejoint Thomas More, autre catholique convaincu dont il réalise le portrait de famille. Disparu dans un incendie au XVIIIe siècle, ce tableau fut l’un des tout premiers portraits de groupe de la peinture anglaise.
Rentré brièvement à Bâle, Holbein poursuit son activité de portraitiste et de décorateur de façades, interdiction étant désormais faite de peindre des sujets religieux. En 1532, il rejoint définitivement Londres où il trouve protection auprès de marchands hanséatiques avant de travailler au service du roi.
Un an avant d’être emporté par la peste qui frappe la capitale anglaise en 1543, il livre un ultime hommage à sa ville en forme d’autoportrait en bourgeois de Bâle (1542). Celui-ci témoigne avec force de la singularité des portraits d’Holbein, tous porteurs de significations plus profondes que la simple
description physique.
1497/1498 Naissance à Augsbourg (Allemagne). 1515 À Bâle, Hans et son frère reçoivent une formation dans l’atelier de leur père, Hans Holbein l’Ancien. 1516 Illustre l’Encomium Moriae d’Érasme qui l’introduit dans les cercles humanistes. 1523/1524 La Réforme freine la création artistique. Hans quitte Bâle pour la France. 1526 En Angleterre, il travaille pour la fastueuse cour d’Henri VIII. 1528 Retour à Bâle. 1532 Second voyage en Angleterre. 1543 À 45 ans, Holbein meurt de la peste à Londres.
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Holbein, citoyen « honoris causa » de Bâle
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Abonnez-vous dès 1 €Informations pratiques « Hans Holbein le Jeune, les années à Bâle (1515-1532) » se tient jusqu’au 2 juillet 2006, du mardi au dimanche de 11 heures à 17 heures. Tarifs : 15 CHF (9,60 euros), 13 CHF (8,30 euros) ou 10 CHF (6,30 euros). Kunstmuseum, St. Alban-Graben 16, CH-4010 Bâle, tél. 41 61 206 62 62, www.kunstmuseumbasel.ch Dans la continuité du Kunstmuseum, la Tate Britain de Londres organisera une exposition de septembre 2006 à janvier 2007 sur les années londoniennes de Hans Holbein le Jeune.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°580 du 1 mai 2006, avec le titre suivant : Holbein, citoyen « honoris causa » de Bâle