Gutaï, un groupe performant avant la lettre

Après les années Pompidou, c’est au mouvement japonais Gutaï créé en 1954 par Jiro Yoshihara que le Jeu de Paume consacre ses cimaises.
Si le sujet est indéniablement passionnant, force est de souligner une nouvelle fois qu’il n’est pas vraiment du ressort de cette galerie nationale dont la première mission, faute d’autres lieux à Paris, est de promouvoir l’actualité d’un art pleinement contemporain.
Ceci dit, voilà une exposition riche d’enseignements d’autant que les occasions ont été très rares chez nous de mesurer ce qu’il en était au juste de cette avant-garde. Gutaï qui rassemble un certain nombre d’artistes originaires du Kansaï vise à un dépassement de l’abstraction picturale, dont ceux-ci sont issus, par toutes sortes d’expressions concrètes élaborées avec la matière elle-même. Appliquant à la lettre le programme de leur maître : « la matière commence son histoire et crie quand elle se manifeste telle qu’elle est », les artistes de Gutaï s’inventent des modalités totalement inédites de création se posant ainsi comme les véritables pionniers des pratiques de la performance et du happening. Intervenant en présence du public, tant en plein air que dans un contexte proprement théâtralisé, ils mettent volontiers leur corps en jeu dans des actions spectaculaires. La toile posée au sol, Shiraga peint avec ses pieds en s’élançant au-dessus au bout d’une corde, Shimamoto utilise un canon pour projeter de la couleur, Murakami traverse des écrans de papier. Autant de manières dont la fortune critique a été considérable dans le contexte des avant-gardes des 30 dernières années. L’exposition du Jeu de Paume en rend compte non seulement à travers un bel ensemble d’œuvres mais par la projection d’un certain nombre de films qui accompagnaient ordinairement chacune de ces actions. Curiosités et inédits.