L’ISLE-SUR-LA-SORGUE
À Campredon, l’exposition de l’artiste Stéphane Guiran invite à larguer les amarres et à voguer vers des destinations inconnues.
Les salles plongées dans la pénombre sont les escales d’un voyage onirique et poétique. Dans le premier espace, un voilier attend le visiteur, mais voilà que, par un jeu de miroirs, cette coque en lévitation matérialisée par de petits cubes de sélénite luminescents nous apparaît bien plus grande que l’espace réel. Ce voilier, c’est l’homme en voyage entre l’ici et l’ailleurs et, par cette métaphore, l’artiste invite à naviguer dans son espace intérieur où l’imaginaire ouvre des fenêtres de rêve et de mystère qui touchent au plus profond de la nature humaine. Stéphane Guiran aime nous convier au cœur de ses environnements, dans ses ambiances magiques habitées de musique et de récits – avec les improvisations au piano de Lilian Guiran et la voix off de Tchéky Karyo. Émule de l’art total enseigné au Black Mountain College, l’artiste multiplie les registres, se jouant des limites entre les langages et les expressions. Ses installations, aussi sophistiquées qu’aériennes, naissent de rencontres insolites entre la nature qui le passionne et des déchets industriels qu’il transforme pour leur donner une nouvelle vie : débris de cristaux récupérés dans des cristalleries, tiges métalliques, terre, éclats de pierres translucides, touches de piano en ivoire… A contrario, ses photographies dévoilent des paysages intouchés à la beauté irréelle, des fjords, des concrétions glaciaires, des cavités polaires ou des nuages qu’il cadre jusqu’à l’abstraction. Ses sculptures cristallines sont de superbes constructions imaginaires (fleurs en calcin sur tiges de bambou, nid de cristal sur branche en bronze) qui magnifient la permanence de la nature. Quant à ses écrits rassemblés dans un recueil poétique, Les mers rêvent encore, ils mettent en mots ses rêveries, et ses dessins les réinventent en images remplies d’une vie mystérieuse. Ses œuvres et ses écrits s’inspirent et se répondent pour ne former qu’un. Rythmé par une scénographie tout en finesse, le parcours nous offre un voyage hors du temps, dans un espace dilaté contenu dans des œuvres poétiques nimbées de modestie et de sensibilité. À voir absolument pour rêver.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°737 du 1 octobre 2020, avec le titre suivant : Guiran lève les voiles