Le British Musem présente pour la première fois une riche sélection de ses « Livres des morts » égyptiens.
LONDRES - Alors que les musées publics d’outre-Manche sont victimes des coupes drastiques des financements publics, le British Museum, à Londres, propose à ses visiteurs une exposition temporaire qui pourrait servir de recette. Soit un sujet grand public présenté de manière efficacement didactique, monté principalement à partir de quelques trésors des collections du musée, le tout pour un prix d’entrée élevé (env. 14 euros) – tarif qui ne semble pourtant pas dissuader les nombreux visiteurs.
Le thème des croyances relatives à la vie après la mort a en effet toujours largement contribué à la fascination qu’exerce l’Égypte antique sur le public. Les rituels funéraires y étaient accompagnés d’un ensemble d’étapes destinées à guider le défunt dans son voyage vers l’au-delà, en le préparant notamment à y affronter de nombreux dangers. D’abord inscrites sur les murs des pyramides, puis sur des sarcophages en bois, ces formules incantatoires et prophylactiques ont été compilées et consignées, dès le Nouvel Empire, sur des papyrus. Ces « Livres des morts » – que les Égyptiens appelaient « Livres pour sortir le jour » – sont ainsi restés en usage de 1600 avant J-C. à l’époque gréco-romaine. Le British Museum en conserve l’une des plus importantes collections au monde, mais cet ensemble qui présente une très grande fragilité n’avait encore jamais l’objet d’une grande exposition. Cette collection comprend des exemplaires standardisés, contenant uniquement des hiéroglyphes, mais aussi quelques versions destinées à des personnages de haut rang, et ornées de luxueux cartouches peints constituant un décor narratif souvent très explicite.
Le parcours permet de se familiariser avec les différents chants de ces « Livres des morts », présentés en regard de sarcophages ou d’amulettes (autant d’objets liés au rituel funéraire visibles sur ces peintures) dans une pénombre protectrice pour ces documents. Y sont ainsi décrites et parfois illustrées les funérailles, la momification, la cérémonie d’ouverture de la bouche et des yeux destinée à ranimer les fonctions vitales. Autant de paliers menant à la comparution devant Osiris, le dieu des morts, au cours de laquelle le cœur est mis en balance pour déterminer l’octroi, ou non, du salut éternel. Le pire supplice serait en effet de vivre une seconde mort, laissant errer éternellement l’âme du défunt.
La plupart de ces documents témoignent du statut social du défunt et sont souvent de précieuses sources historiques, à utiliser parfois avec une certaine circonspection. Le livre de la reine Nedjmet (vers 1050 av. J.-C., XXIe dynastie) – dont la seconde partie est conservée au Musée du Louvre, à Paris – constitue ainsi l’un des rares Livres des morts permettant d’identifier précisément un défunt dont la vie est connue. Il s’agit d’une femme de haut rang, épouse du grand prêtre d’Amon, dont la momie a été découverte en 1881 dans une cache royale, à Thèbes. Or plusieurs lettres témoignent de la participation de Nedjmet au meurtre politique de deux policiers, ce qui ne l’a pas empêchée, comme l’illustre son Livre des morts, de passer sans encombre le jugement d’Osiris ! D’autres pièces sont tout aussi précieuses, tel le livre de Hunefer, scribe de haut rang, l’un des plus beaux et plus complets rouleau retrouvé à ce jour (XIXe dynastie, vers 1280 av. J.-C.). Enfin, pour le plaisir des spécialistes, le plus long spécimen conservé par le musée, le papyrus de Greenfield (XXIe dynastie), découvert à Deir el-Bahari, déploie pour la première fois devant le public ses 37 mètres de hiéroglyphes et d’illustrations monochromes.
jusqu’au 6 mars 2011, British Museum, salle de lecture Great Russell Street, Londres, tlj 10h-17h30,www.britishmuseum.org. Catalogue, env. 20 euros.
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaire : John H. Taylor, conservateur au British Musem
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°337 du 16 décembre 2010, avec le titre suivant : Guide de voyage