À la fin du XIXe siècle, une station sismologique était construite au sein de l’Université de Strasbourg, ville alors annexée par l’Allemagne.
Depuis, elle est devenue un musée et ses archives ont rejoint l’École et l’Observatoire des sciences de la terre installés sur le campus. À l’intérieur de ce fonds, des milliers de sismogrammes (empreintes photo ou papiers noir de fumée) portent la trace d’anciens tremblements de terre. La découverte de quatre mille plaques de verre par Arno Gisinger lors d’une résidence recherche-création proposée par l’université donne lieu aujourd’hui à un projet artistique en deux volets, le premier au Frac Alsace à Sélestat, le second à La Chambre à Strasbourg à partir du 19 janvier 2020. Les relations entre mémoire, histoire et représentations photographiques, au cœur du travail du photographe, sont à nouveau à l’œuvre en ces lieux. D’un espace à l’autre, elles trouvent dans l’enregistrement des oscillations du sol, matière à mettre en résonance l’histoire d’une science (la sismographie), d’un lieu (la station sismologique de Strasbourg), l’usage du médium photographique et l’impact et les traces des deux guerres mondiales. À Sélestat, l’installation visuelle et les créations sonores de Thierry Blondeau aboutissent à une belle dialectique instructive et à une épure formelle dominée par le séjour à Strasbourg de l’historien, philosophe et résistant Marc Bloch (1886-1944) et par l’agrandissement des ondes telluriques du sismogramme du 11-12 août 1944 relatif aux bombardements de la ville. Le film sur l’histoire de la sismographie et du laboratoire de Strasbourg, placé de telle manière à être vu en premier, permet d’avoir tout à l’esprit pour les aborder au mieux.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Gisinger à l’écoute de l’instabilité du monde