ROUBAIX
Retrouvés en 2011 par leur propriétaire actuel, réalisés sur du Canson, voire du papier, plus curieusement sur des rhodoïds, les sept cents dessins présentés comme dans un écrin au long des cabines de La Piscine ouvrent la chaîne de création d’un bijou.
Ces délicates et petites œuvres préparatoires ont pour signature l’anonymat d’un artisan qui, unissant la technique à la poésie, efface son nom au profit d’une imagination infinie. Le talent consiste à rendre la brillance du diamant en superposant de fines couches de gouache blanche, à prouver la transparence bleutée du saphir en révélant ses facettes, à montrer les courbes d’une broche en modelant les dégradés afin de convaincre au terme du processus le futur acheteur. Jouant sur les ombres, la troisième dimension est à peine une illusion.
Le vocabulaire des formes, marquises, sautoirs, dormeuses, est aussi riche que celui des gemmes, onyx, jaspe, béryl. Les « mains » suivent les modes, l’Art déco étant sûrement la période la plus florissante. Avant la fermeture pour six mois du musée, cette présentation offre la rare occasion d’admirer sur un demi-siècle d’inventivité sans limites le trésor presque secret d’un joaillier du Nord. Un choix resserré de feuilles, quelques cartels, des repères chronologiques auraient sans doute mieux balisé l’ignorance du visiteur qui peut chercher à loisir dans les décors de ce lieu spectaculaire les similitudes de styles avec ces patrons exécutés à l’échelle 1 et transmis ensuite aux façonneurs dans les ateliers.
« Les gouachés : un art unique et ignoré »,
La Piscine, Musée d’art et d’industrie André Diligent, 23, rue de l’Espérance, Roubaix (59), www.roubaix-lapiscine.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°710 du 1 mars 2018, avec le titre suivant : Genèse d’un bijou