Gaston Chaissac, un dessinateur hors pair

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 21 décembre 2009 - 342 mots

S’il est un puissant coloriste, Chaissac est d’abord et avant tout un dessinateur.

Qu’il s’agisse de dessin au crayon ou à la plume, d’encre ou de gouache, qu’il s’agisse de traits qui cernent la forme ou qui la recouvrent, qu’il s’agisse de signes directement inscrits dans la peinture, voire d’interminables pages d’écriture, le dessin est chez lui une seconde nature. Dessiner, c’était pour lui comme une autre façon de respirer. Il l’a abordé de façon pleinement spontanée dès ses premiers travaux, comme une activité qui allait de soi. Il ne l’a jamais appris, il est né avec.

Une invention jamais tarie
Qu’il croque une figure plus ou moins zoomorphe et il l’emplit d’une sorte de résille noire – « une dentelle », disait-il – qui lui donne son volume. Qu’il gratte à la hâte une tête et il dessine l’ovale du visage sur le mode du calligramme en écrivant : « Quels avantages ou quels inconvénients a-t-il à se mêler aux foules hystériques ? » Qu’il peigne une figure ou un paysage et il les tient à l’intérieur d’un réseau puissamment charpenté. Qu’il se saisisse d’une souche de bois et il en surligne les arêtes d’un trait noir pour révéler la figure hilarante d’une sorte de petit lutin. Pour Chaissac, le dessin est chaque fois l’occasion d’une expérimentation et d’une invention. Il n’a pas son pareil pour jouer des matériaux qu’il emploie, pour exploiter leurs qualités intrinsèques et pour s’en servir en toute liberté des conventions et des usages.

Où le dessin est à son comble, c’est dans cette inépuisable production de lettres que Chaissac a écrites tout au long de sa vie. Dans le jeu des pleins et des déliés. Dans l’accroche du papier par sa plume. Dans les pâtés maladroits qui rythment ses manuscrits et leur confèrent une formidable densité. Tout y est d’un surgissement essentiel et, plus que jamais, le dessin y relève de l’enregistrement d’une voix intérieure, la voix haute de la pensée. Chaissac disait lui-même que ses dessins représentaient « [ses] pensées intimes, [ses] rêves, [ses] aspirations, [ses] déceptions ».

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°620 du 1 janvier 2010, avec le titre suivant : Gaston Chaissac, un dessinateur hors pair

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