BÂLE / SUISSE
« Il y a actuellement un moment Füssli », assure Eva Reifert, commissaire de l’exposition que lui consacre le Musée de Bâle.
« Depuis la rétrospective de Zurich en 2005, on sent monter un intérêt très fort. Pourtant, le public l’appréhende souvent avec un filtre très réducteur, celui d’une œuvre scandaleuse et d’un artiste prétendument sulfureux. Le succès de l’iconique Cauchemar a fini par occulter le reste de sa production. » Pour faire la lumière sur Füssli, la commissaire a donc choisi un parti pris inattendu et exigeant, à mille lieux des poncifs éculés sur le « Suisse sauvage » à l’univers dérangeant. L’exposition dresse le portrait à rebours d’un fin lettré maîtrisant toutes les références culturelles sur le bout des doigts. S’il était autodidacte en peinture, l’artiste, qui a d’ailleurs mené une brillante carrière de professeur à la Royal Academy, possédait en revanche une immense culture classique et contemporaine. Au fil des salles, le parcours passe en revue toutes les sources littéraires dans lesquelles il a inlassablement puisé : les auteurs antiques, mais surtout Shakespeare et Milton. Plus surprenant, l’exposition décrypte également l’influence plastique du spectacle vivant sur son univers visuel. On découvre que la tonalité spectaculaire et outrée de ses compositions est ainsi étroitement liée aux mises en scène de son temps qui privilégient les attitudes dramatiques, les émotions exacerbées et les visages fortement éclairés et vus en contre-plongée. Une relecture vivifiante !
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°719 du 1 janvier 2019, avec le titre suivant : Füssli au-delà du Cauchemar