Freundlich dans l’ombre

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 23 mars 2010 - 338 mots

Pionnier de l’abstraction, le peintre et sculpteur Otto Freundlich (1878-1943), né en Poméranie (alors allemande, aujourd’hui polonaise), n’occupe toujours pas la place qui lui revient dans l’histoire de l’art moderne.

Après des études à Berlin, il arrive à Paris en 1908, loue un atelier au Bateau-Lavoir. Il écrira : « Toute la jeunesse du temps respirait l’air d’une véritable révolution artistique. Cette révolution venait en effet de faire sentir ses premiers remous dans un petit groupe, où Picasso avait déjà jeté son défi à toutes les traditions de l’art, où Derain avait également prévu la nécessité de ses bouleversements, où Braque, Herbin, Juan Gris et moi-même étions appelés à jouer les précurseurs. » Précurseur, Freundlich l’est assurément. Ses premières toiles abstraites datent de 1911.

Trois ans plus tard, alors qu’il restaure des vitraux de la cathédrale de Chartres, son vocabulaire pictural évolue vers un dessin plus géométrique, la surface de la toile se fragmente en aplats de couleur nettement délimités. Mobilisé en 14-18 dans les services de santé de l’armée allemande, il revient à Paris en 1924. À partir des années 1930, ses « Compositions » se caractérisent souvent par une grande austérité. Il participe au mouvement Abstraction-Création fondé par Herbin et Vantongerloo.

En Allemagne nazie, la photo de sa sculpture L’Homme nouveau figure sur la couverture du catalogue de l’exposition « L’art dégénéré », quatorze de ses œuvres appartenant à des musées sont détruites.

Il fonde en 1936 une académie d’art fréquentée par Ubac et Poliakoff. C’est lui aussi qui « découvre » Gaston Chaissac et l’encourage à peindre. Mais sa situation matérielle se dégrade. Ses amis, parmi lesquels Picasso, Kandinsky, Max Jacob et les Delaunay, lancent une souscription pour offrir un de ses tableaux au musée du Jeu de Paume à Paris.

Resté en France pendant la guerre, il se cache. Dénoncé, arrêté, déporté, il est assassiné à son arrivée au camp de Sobibor (Pologne) le 9 mars 1943.

« Otto Freundlich, 1878-1943 », musée Géo-Charles, 1, rue Géo-Charles, Échirolles (38), www.ville-echirolles.fr/a>, jusqu’au 30 mai 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°623 du 1 avril 2010, avec le titre suivant : Freundlich dans l’ombre

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