Franz Ackermann : la fabrique du réel en mouvement

Flâneur, collecteur, commentateur acerbe des effets d’une culture mondialisée, Ackermann ramène de ses méthodiques voyages une matière dont il restitue le dynamisme et l’aspect magmatique. Au Frac Champagne-Ardenne, qui lui offre sa première monographie française, l’artiste allemand déroule un kaléidoscope apparemment incontrôlable, réalisé jusqu’au dernier moment dans les salles d’exposition. Agençant un agglomérat énergique de surfaces monumentales, de circulations, de projections, de petits dessins portatifs, d’éléments d’architecture ou d’installations, Ackermann reprend sa grammaire personnelle, mais l’ajuste ici avec un plaisir manifeste au moindre repli du lieu. On y retrouve son goût du chaos organisé, du fragment, du conflit de surfaces, d’échelles et de techniques et son goût de l’environnement déconstruisant toute perspective stable. De larges panneaux intensément colorés, d’une vitalité explosive, esquissent des formes fluides et incertaines et sont privés de figure humaine et de motifs clairement identifiables. À ces paysages instables, comme autant d’échos fluctuants et subjectifs faits par l’artiste aux villes traversées lors de ses voyages, s’adjoint plus loin dans le parcours, un grand disque, fixé sur un socle rotatif, dont la mise en mouvement engrange une agglutination tumultueuse et miroitante de couleurs. Des guides touristiques amassés en vrac, une image projetée d’un avion de la Lufthansa fixé lui aussi sur un socle, un improbable habitacle carcéral ou de petits moniteurs, complètent ce puissant parcours, dessinant un territoire inconstant entre vision intérieure et réalité extérieure.