Peintre de cour, Francisco Goya s’est aussi fait connaître par ses nombreux portraits. Saisissant l’occasion d’étudier un aspect de la société des XVIIIe et XIXe siècles, le Musée du Prado et la National Gallery de Washington consacrent une exposition à l’image de la femme dans l’œuvre de l’artiste espagnol.
WASHINGTON - Si l’exposition “Goya : images de femmes” présentée au Prado n’apporte pas beaucoup d’indices sur les conquêtes amoureuses de Francisco de Goya y Lucientes (1746-1828), elle étaie cependant le contexte social, politique, économique et populaire de son époque. “Le registre choisi par Goya pour représenter les femmes n’a jamais été égalé par les artistes de son époque, explique Janis Tomlinson, spécialiste de Goya qui a coordonné l’exposition de Washington, il est nettement plus vaste et complexe que tous les écrits existant sur le sujet. Les dessins et les gravures en particulier documentent une tranche de la société autrement ignorée. Il a su reconnaître les femmes laissées pour compte par l’histoire”, tout en faisant fortune grâce à ses portraits d’aristocrates. “Goya est le chroniqueur de son époque, poursuit Janis Tomlinson, et ces images peuvent servir de point de départ pour nous interroger sur le statut de la femme en son temps.” Posant un regard cynique sur les jeunes et les vieilles, l’élite et la masse, le masculin et le féminin, l’artiste espagnol, nommé peintre du roi en 1786, a étudié la nature humaine et particulièrement la femme sous tous ces aspects. Comme le remarque Janis Tomlinson, “l’artiste ne peignait pas un point de vue unique : les femmes sont parfois dépeintes comme des sujets vertueux, parfois posées en victimes, et d’autres fois encore présentées comme des provocatrices de violence”. Tandis que le Prado met en scène 86 huiles et 34 œuvres sur papier regroupées par thèmes (intimité, allégories, sorcellerie, etc.), l’exposition de Washington présentera une cinquantaine de peintures et 65 œuvres sur papier, oragnisées selon une chronologie non stricte, jugeant cette approche plus appropriée pour un public américain qui n’a pas vu de rétrospective sur Goya depuis des décennies. Les pièces maîtresses seront les célèbres Majas dont Janis Tomlinson remarque qu’elles ont été exécutées à une époque où l’Inquisition persécutait encore tous ceux qui détenaient de telles images. Charles III aurait fait brûler les œuvres de Titien, Véronèse, Rubens, Carrache et Reni si Mengs, peintre de la cour, n’était pas intervenu. Et, en 1792, Charles IV devint à son tour une menace, mais un noble transféra les œuvres d’art indécentes à l’Académie royale pour l’usage exclusif des étudiants. “Que Goya ait peint un nu à la fin des années 1790 témoigne du pouvoir de ses mécènes qui, de toute évidence, se croyaient au-dessus des enquêtes menées par l’Inquisition”, explique Janis Tomlinson.
Les œuvres de la “période noire” n’iront pas à Washington, mais neuf modèles de tapisseries à l’huile sur toile feront pour la première fois la traversée de l’Atlantique, ainsi que six des tapisseries de soie tissées par la Manufacture royale de Santa Barbara, toujours en activité à Madrid. La National Gallery présentera également le portrait de groupe grand format L’Infant don Luis et sa famille (1784) provenant de la Fondation Magnani, à Parme, et Majas au balcon, de la collection du Metropolitan, qui porte la mention “attribué à” en raison de la polémique autour de la paternité de l’œuvre. Malheureusement, une autre institution new-yorkaise, l’Hispanic Society, a refusé de prêter son portrait en pied de la coquette Duchesse en deuil.
- Goya : images de femmes, jusqu’au 9 février 2002, Prado, Paseo del Prado, Madrid, tél. 34 91 330 29 00, tlj sauf lundi 10h-19h. Du 10 mars au 2 juin 2002, National Gallery of Art, Washington D. C.
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Femmes fatales
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°137 du 23 novembre 2001, avec le titre suivant : Femmes fatales