Paris 8e

Félix Vallotton, une imagination pionnière

Galeries nationales du Grand Palais jusqu’au 20 janvier 2014

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 19 novembre 2013 - 340 mots

« Gonflé ! », s’est exclamé un visiteur devant l’Étude de fesses peinte en 1884 par Félix Vallotton que les commissaires de l’exposition du Grand Palais ont malicieusement accrochée à côté d’un appétissant Jambon fumé, daté 1918.

À quoi faisait-il allusion ? À l’audace du peintre ou à celle des accrocheurs ? Sans doute aux deux, tant l’artiste témoigne dans cette œuvre d’une étonnante inventivité et tant l’exposition – que rythme une scénographie judicieusement colorée – est réussie. Figure mal connue de la transition d’un siècle à l’autre, Félix Vallotton (1865-1925) est né à Lausanne. Installé à Paris au début des années 1880, il a fréquenté l’Académie Julian pour rallier finalement en 1893 l’aventure prospective des nabis, tout en menant une activité de critique d’art. Baptisé « le nabi étranger », proche de Vuillard, il s’est très vite fait repérer par une abondante production de xylographies en noir et blanc aux motifs de la vie au quotidien. Fou de gravures, il y a fait montre d’un tel talent que sa peinture a été quelque peu occultée, d’autant qu’il lui plaisait d’éprouver tous les styles.

L’exposition parisienne a le mérite de la remettre en lumière parce qu’elle est riche de toute une réflexion sur la modernité, et les audaces tant de cadrage que de traitement chromatique de l’artiste recalent l’image qu’on pouvait en avoir. Quand son Bain au soir d’été de 1892-1893 sanctionne l’influence du symbolisme, sa Femme nue assise dans un fauteuil rouge de 1897 anticipe grandement le fauvisme. Tandis que son Provincial de 1909 annonce le style des années 1920, sa Loge de théâtre, le monsieur et la dame de la même année montrent une rigueur abstraite et une économie de moyens digne d’un Edward Hopper. « Gonflé ! » Oui, absolument. Il suffit de voir cette étonnante nature morte aux Poivrons rouges de 1915 ou bien cette planche intitulée Dans les ténèbres, extraite du portfolio C’est la guerre ! qu’il réalise en 1916, et que réédite parallèlement la RMN, pour mesurer le caractère pionnier de l’imaginaire de l’artiste.

« Félix Vallotton. Le feu sous la glace »,

Galeries nationales du Grand Palais, 3, avenue du Général-Eisenhower, Paris-8e, www.grandpalais.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : Félix Vallotton, une imagination pionnière

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