Félix Vallotton, jeune homme suisse de 18 ans ayant décidé de se consacrer à la peinture, s’inscrit à l’Académie Julian à Paris en 1883. Il est bien loin, dans tous les sens du terme, de la bourgeoisie protestante de Lausanne où il est né. A partir de 1893, exposant avec ses amis les Nabis, il recevra le surnom de « Nabi étranger ». Or, étranger, Vallotton ne l’était pas seulement par sa nationalité. C’est ce sentiment d’éloignement de la vie sociale mais aussi, plus profondément, de toute vie en soi, extravertie, bruyante et foisonnante de sentiments, ce choix du détachement et de la réserve, d’une extrême sobriété de gestes et de paroles, qui le caractérise. Dans un très intéressant dossier qui sert de catalogue à l’exposition, Catherine Lepdor analyse l’origine de ce repli derrière soi-même, de cette absence du monde. L’un des indices qu’elle donne à la naissance de cette mélancolie si nettement exprimée dans ses tableaux est la noyade accidentelle qu’aurait connu Vallotton, enfant, dans le lac Léman. Le souvenir indélébile des affres de l’agonie, cette sensation d’être mort une fois déjà, l’aurait frappé d’une « ankylose rendant impossible l’impulsion généreuse », annihilant le sentiment d’être vivant. La vie, selon Félix Vallotton, doit donc être recomposée et sans doute ne peut-elle l’être que sur la toile. C’est au visiteur de juger, dans cette exposition-dossier consacrée au peintre à la faveur de l’acquisition par le musée (dont le fonds Félix Vallotton compte 429 œuvres) d’un tableau intitulé Femmes nues aux chats, une huile sur carton datant probablement de 1897-98. Les autres œuvres présentées (huiles, gravures sur bois et photographies d’archives) appartiennent en majorité aux nus de la période nabie, mais on y trouvera un saisissant autoportrait de 1885, qui à lui seul nourrit une longue réflexion sur l’artiste.
LAUSANNE, Musée cantonal des Beaux-Arts, Palais de Rumine, place de la Riponne 6, tél. 00 41 21 316 34 45, 4 octobre-5 janvier.
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Félix Vallotton ou la vie recomposée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°542 du 1 décembre 2002, avec le titre suivant : Félix Vallotton ou la vie recomposée