Félix Fénéon aimait les mots rares ; il était « juste, impitoyable et doux », écrivit de lui le poète Paul Valéry.
Cet esthète fut aussi un ardent défenseur du pointillisme de Seurat et de Signac, du fauvisme, du futurisme d’une part, et des « arts lointains » de l’autre – lui qui refusait l’expression « art nègre », dont les relents racistes l’offusquaient. Une exposition rend enfin hommage à cet homme aux multiples facettes qui fut journaliste et critique d’art de renom (directeur de LaRevue blanche et fondateur, en 1919, du Bulletin de la vie artistique, qui traitait des arts africains), galeriste (directeur de la Galerie des frères Bernheim de 1906 à 1924) et un collectionneur majeur du XXe siècle. Elle s’articule en deux volets : le premier, au Musée du quai Branly cet été, autour de l’engagement de Fénéon pour les « arts lointains » ; le second, consacré à son engagement anarchiste et à son action en faveur des peintres et de la littérature, au Musée de l’orangerie à l’automne prochain. Le Musée du quai Branly plonge le visiteur dans le contexte historique et culturel du début du XXe siècle ; on y découvre, notamment, de merveilleux portraits de tirailleurs sénégalais de l’artiste méconnue Lucie Couturier, amie du collectionneur. C’est dans ce contexte que Fénéon ose publier en 1920 une Enquête sur les arts lointains : seront-ils admis au Louvre ?. L’exposition s’achève sur un ensemble remarquable d’œuvres africaines de la collection de Fénéon, qui fut dispersée en 1947. Elles témoignent d’un œil « juste, impitoyable et doux ».
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°725 du 1 juillet 2019, avec le titre suivant : Félix Fénéon, le visionnaire