Les expositions d’architecture sont rares. Blois s’intéresse à celle du XIXe siècle, dont on s’emploie depuis vingt ans à sortir les œuvres d’un purgatoire pire que l’enfer, et à un architecte dont personne, ou presque, ne connaît le nom : Félix Duban (1798-1870).
BLOIS - Si l’on ignore le nom de Félix Duban, tout le monde connaît pourtant le lieu de ses exploits : le château de Blois – ce qui explique l’initiative prise par son directeur, Sylvain Bellenger –, la Sainte-Chapelle et le Louvre, pour s’en tenir aux principaux chantiers de restauration et d’“enrichissement” ; l’École des beaux-arts, quai Malaquais et rue Bonaparte, qui en est la construction la plus célèbre. En somme, l’exposition invite à mieux comprendre comment se sont constitués des lieux à chacun familiers, et dont on croit trop souvent qu’ils sont directement issus du Moyen Âge, de la Renaissance ou du règne de Louis XIV.
Par sa formation, par sa carrière, Duban est un architecte exemplaire du XIXe siècle, réputé le plus brillant de sa génération : Viollet-le-Duc, dont les œuvres ont été exposées au Grand Palais en 1980, fut trop individualiste pour être représentatif ; l’intrigant Visconti, auteur du tombeau de Napoléon, n’a, en définitive, guère construit, ainsi que l’a montré l’exposition présentée à Paris en 1991.
Duban commence un parcours d’excellence qui le conduit, titulaire du Grand Prix à vingt-cinq ans, à la Villa Médicis. La première partie de l’exposition est consacrée à ses travaux d’école et à ses “envois” romains : relevés de monuments antiques, restitutions, découverte de l’architecture polychrome et de la civilisation étrusque.
Restauration, création, décoration
En 1832, alors que Louis-Philippe veut doper l’activité économique par une politique de grands travaux, Duban est désigné comme architecte de l’École des beaux-arts. Le chantier s’achève en 1861 ; désormais, la pégagogie des Beaux-Arts à la française rayonnera sur le monde pendant plus de cinquante ans, depuis ces bâtiments conçus comme une leçon d’architecture. En 1839, le voici chargé avec Lassus de la restauration de la Sainte-Chapelle : l’édifice saccagé par la Révolution retrouve une grande partie de sa sculpture et de sa décoration ; puis du château de Blois, qu’il restaure, décore et aménage de 1844 jusqu’à sa mort ; enfin du Louvre, où on lui doit notamment les décors restaurés et enrichis du Salon carré, de la salle des sept cheminées et de la galerie d’Apollon (1849-1852).
S’ajoutent à ces commandes publiques de nombreux travaux pour des particuliers, parmi lesquels on citera le duc de Luyne pour le château de Dampierre (1839-1855) : Duban aura ainsi l’occasion de collaborer avec Ingres, qui y peint L’Âge d’or au rythme lent qu’on lui connaît. Enfin, comme tous les artistes de son temps, Duban s’est intéressé au mobilier : il a participé à la conception de la “toilette” de la duchesse de Parme, un ensemble présenté à Paris en 1991, ainsi qu’au mobilier de toilette de Louise-Marie-Thérèse de France.
Polychromie architecturale
La plupart des œuvres exposées à Blois n’étaient jusqu’à présent guère connues ; certaines même, inédites, ont été retrouvées dans la famille, sur le marché, et jusqu’à Berlin. Elles permettent de comprendre à quel point Duban a excellé dans la polychromie architecturale, qui était la grande passion de l’époque : le château de Blois, comme la Sainte-Chapelle et le château de Dampierre, révèlent un décorateur et un coloriste virtuose, sensible et séduisant. Risquons le trait : entre le blanc du Panthéon et le blanc corbuséen, Duban représente un moment, quand l’architecture était peinte.
JACQUES-FÉLIX DUBAN (1798-1870), LES COULEURS DE L’ARCHITECTE, 14 juin-28 septembre, château de Blois, tlj 10h-18h30, jusqu’à 20h en juillet-août. Catalogue éditions Gallimard, 224 p., 290 F. Colloque international le 14 septembre, à Blois.
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Félix Duban, vu mais peu connu
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°26 du 1 juin 1996, avec le titre suivant : Félix Duban, vu mais peu connu